Les temps sont durs. Et pour l’apaisement, ne comptez pas sur l’opposition. Tout indique qu’elle nous prépare des campagnes électorales d’une grande brutalité. A cinq mois de la primaire de novembre, prélude à la présidentielle de mai 2017, les tenants de la droite décomplexée ont planté le décor. Ce sera le combat des défenseurs de l’identité et des racines chrétiennes contre les traîtres qui glorifient la diversité et célèbrent le communautarisme. Dans cette dernière catégorie, il y a bien sûr la gauche. Mais aussi, peut-être surtout, Alain Juppé, l’homme des accommodements raisonnables. N’a-t-il pas osé prôner pour les immigrés une intégration respectueuse de leurs identités ?
Avec un zèle qui confine à l’hystérie, les amis de Sarkozy s’en donnent à cœur joie. Dès qu’elle est de près ou de loin liée aux musulmans, toute actualité devient prétexte à de nouveaux assauts. Le dernier en date concerne les oraux de rattrapage du bac, organisés du 6 au 8 juillet. Les lycéens convoqués ce mercredi, jour de l’Aïd el-Fitr, fête de fin du ramadan, ont la possibilité de demander un report de 24 heures de leur oral. Les proviseurs des lycées ont été priés de faire remonter à l’administration la liste des élèves concernés.
Comme souvent, la réaction du sarkozyste Eric Ciotti contre cette «grave atteinte au principe de laïcité» aura été la plus rapide et la plus caricaturale : «François Hollande a délibérément renoncé à défendre la laïcité pour flatter un communautarisme religieux auquel il est redevable.» En réalité, cette «atteinte» procède d'une circulaire de mai 2004 signée Fillon, ministre de l'Education. On y lit que l'institution scolaire «doit prendre les dispositions nécessaires pour qu'aucun examen ni aucune épreuve importante ne soit organisé le jour de grandes fêtes religieuses».
Derrière cette priorité donnée à ce qu'il nomme le «calendrier de l'islam», Guillaume Peltier, porte-parole de LR, voit la main de la ministre Najat Vallaud-Belkacem… Les électeurs auront compris le message : la «gauche communautariste» serait en train de liquider la France. N'est-ce pas cette même «madame Belkacem» qui propose d'ajouter l'arabe aux langues vivantes enseignées en primaire ? «L'apprentissage de l'arabe au CP mènera droit au communautarisme», a conclu le député LR Bruno Le Maire, très en pointe, lui aussi, sur le front identitaire.
Dans ce concert, le président LR de la région Paca, Christian Estrosi, et son collègue d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, devaient se faire entendre. Le premier vient d'annoncer, urbi et orbi, qu'il refusait l'ouverture d'une mosquée construite à Nice grâce à des fonds saoudiens. Refus qualifié d'«atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte» par le Conseil d'Etat. Le second a fait un maximum de publicité à sa décision de renoncer à financer un centre culturel musulman soutenu par l'Algérie.
Tout comme les demandes de dispenses d'examen, les ouvertures de mosquées financées par l'étranger posent de vraies questions. Mais n'est-il pas possible de les formuler sans tomber dans l'hystérie ou la calomnie ? Dans le camp Sarkozy, on a décidé de mettre ces questions au cœur du débat. Face à cette gauche qui communautarise, l'ancien chef de l'Etat promet de restaurer «l'assimilation» à l'ancienne. «Celui qui veut devenir français adopte le mode de vie français ; il est fier d'être français, il apprend l'histoire de France et pas une autre histoire !» Ces paroles, prononcées samedi devant les cadres du parti, ont transporté de joie les sympathisants du candidat Sarkozy.