Il aura fallu attendre trois semaines et ce match contre l’Allemagne pour la France bascule vraiment en mode Euro. A Marseille, qui accueillait la rencontre. Mais aussi à Paris ou Montpellier. Choses vues et entendues en attendant la demie.
Marseille, 13 heures Le repas se termine, pas les pintes qui s'entassent encore sur la table de Carsten. Le Berlinois de 42 ans aurait préféré autre chose que de la Heineken, mais il fera avec, il faut bien ça pour apaiser la chaleur qui règne sur le Vieux-Port. C'est aussi le soleil tapeur qui l'a dissuadé de revêtir dès maintenant le tee-shirt de son équipe nationale. A la table d'en face, les fans qui s'installent ont choisi, eux, d'afficher la couleur : pas le blanc germain ni le tricolore français, mais l'orange pétant des Néerlandais. «On a acheté nos billets il y a un an, on n'imaginait pas qu'on serait éliminé de l'Euro, explique Rémy, 29 ans. Depuis tout à l'heure, on se fait chambrer par tout le monde ! Je suis pour la France, on a perdu trop de fois contre l'Allemagne, ça nous vengera…»
Marseille, 15 h 30 Julien, 23 ans, ne comprend pas ce qui cloche avec son look pourtant improbable : sa peluche coq tricolore en version chapeau vaut amplement ses 8 euros, soutient-il. Difficile de lutter contre les confirmations de sa famille, qui arbore la même coiffe. «Et encore, écoutez : quand on appuie dessus, elle chante la Marseillaise», s'enthousiasme-t-il.
Montpellier, 16 heures Bienvenue sur la place de la Comédie, le cœur de Montpellier qui palpite à plus de 30 °C. Une chaleur à décourager les supporteurs - ils sont d'ailleurs totalement absents. Mais pas pour longtemps : «Ce soir, on va faire le plein, prédit Marcel Salerno, patron de la Grande Brasserie et de nombreux autres cafés à Montpellier. Ici, c'est une ville sportive. Le rugby, le hand… Mais le foot reste le roi. On n'a jamais eu d'incident les soirs de match. Les gars vont être gais mais pas saouls.»
Marseille, 16 h 15 A cinq heures du coup d'envoi, deux Italiens errent sur le cours d'Estienne-d'Orves, avec une pancarte : «Je cherche des billets/ I'm looking for tickets.» Première terrasse, première offre, à 250 euros la place. «Moi je cherche plutôt à 70 euros…»
Paris, 17 h 45 «C'est l'été, les Islandais sont repartis avec leur temps de merde !» Il fait chaud au Kiez Biergarten, bar allemand du XVIIIe arrondissement. Le personnel s'affaire sous le soleil pour la retransmission du match : on apporte des centaines de gobelets, on branche des câbles, on nettoie les tables du jardin du bar… Maxime, copropriétaire de 29 ans, installe les ventilateurs. «On attend environ 500 personnes», estime-t-il, majoritairement des Allemands.
Derrière le comptoir, on est aussi allemand pour la plupart. Sur les dix serveurs, deux sont «à 100 % français», dit Merle, une des barmaids. Quant à savoir quelle équipe soutenir, Maxime, qui a grandi à Paris, ne promet pas l'entente générale : «Jusqu'ici on vibrait ensemble quand les Allemands ou les Français marquaient. Là, ça risque de changer un peu.»
Montpellier, 18 h 15 La place Jean-Jaurès se prépare à être prise d'assaut par les supporteurs d'ici l'heure de l'apéro. «On s'attend à énormément de monde, à une terrasse pleine, à des clients assis partout par terre. Ça va pas être facile de travailler dans ces conditions», prédit le serveur Emmanuel, du Petit Nice.
Paris, 19 heures A la terrasse du Bar Belge, près du métro Guy Moquet, dans le XVIIIe arrondissement. Une «une centaine de personnes maximum» sont attendues, dont pas mal de Français mais aussi, bien sûr, des Belges. Après l'élimination de leur équipe en quart de finale contre le pays de Galles, les Belges roulaient pour les Français, «donc on va rester français», assure Marco.
Marseille, 19 h 15 Les abords du Vélodrome se remplissent. Les Français se sont rassemblés en nombre dans un bar, bravant gentiment les Allemands qui passent aux cris de «on est chez nous !» Dans la foule, un homme au casque pointu et bacchantes rouge, jaune et noire s'arrête, le temps de serrer quelques pinces adverses, et repart direction le stade. Dans le ciel, les pastis volent, tandis que poings levés, les tricolores entonnent leur troisième Marseillaise. Un fumigène embrume la rue, un bref instant. «C'est beau», lance un petit garçon. Ce soir, il ira pour la première fois au stade.
Montpellier, 19 h 30 Ça y est, la place Jean-Jaurès est pleine. Ça crie, ça boit, ça drague, les supporteurs s'échauffent : la température a brusquement grimpé en une demi-heure. Attablés autour de bières fraîches, une dizaine de gars se peinturlurent en bleu-blanc-rouge. «On a vu tous les matchs ici. C'est grandiose, on rencontre plein de gens avec qui on finit la soirée…»