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Libération

le Premier ministre tacle son concurrent direct

publié le 13 juillet 2016 à 20h51

C'est peu dire que Manuel Valls n'a pas apprécié le numéro d'Emmanuel Macron à la Mutualité. «Il est dans une colère folle», rapporte un ministre. S'il n'a pas dit un mot en Conseil des ministres - pas le lieu -, le chef du gouvernement a dézingué mercredi son ministre de l'Economie dans un discours prononcé à l'occasion du «pot de fin de session parlementaire» à Matignon. «L'éthique de responsabilité, c'est le devoir de clarté, pas l'entretien d'un climat pourri par l'ambiguïté, a-t-il balancé. Devant les parlementaires de la majorité et quelques ministres, mais en l'absence de Macron, Valls a surtout insisté sur les mérites de l'élection, une aventure jamais tentée par le ministre de l'Economie : «Vous connaissez l'exigence du suffrage universel, c'est-à-dire la confiance sacrée que le peuple investit dans ses représentants ? Il n'y a donc aucun "club", aucun "cercle fermé", aucun "système" qui jouerait contre le peuple.»

Déjà, en avril, lorsque l'ancien banquier d'affaires avait lancé son mouvement revendiqué «ni de droite ni de gauche», Valls s'était montré agacé des libertés prises par un jeune ministre en train de le griller sur le créneau de la «modernité» et de la «transgression». Le Premier ministre avait alors vanté le «beau clivage» gauche-droite et fait le choix de ridiculiser son ministre en public à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Mardi, avant le meeting de Macron, le Premier ministre l'avait appelé, en creux, à la clarification dans les couloirs du Sénat : «Il est temps que tout cela s'arrête.» «Le Premier ministre a fait le maximum de ce qu'il pouvait faire à son niveau institutionnel», estime un proche de Valls. Comprendre : c'est à Hollande et à lui seul de décider du sort du ministre de l'Economie. Car la mise en marche d'Emmanuel Macron, parce qu'elle embarque des députés socialistes dont quelques anciens «amis» du Premier ministre, crée une autre fracture au sein de la majorité.

Mais sa réaction énervée post-Mutualité ne fait pas l'unanimité parmi les vallsistes. «Manuel n'est pas content alors qu'il devrait se détendre. Macron est en train de se cramer, déplore un élu. S'il savait rester zen et faire un peu son Hollande…» Sous entendu, étouffer Macron en silence. Contrairement à l'été 2014, quand il avait réclamé la tête d'Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon, Valls ne demande pas à Hollande de choisir entre lui ou Macron. «Quitter Matignon parce qu'on n'a pas aimé un meeting à la Mutualité, ça n'existe pas», souligne un membre du gouvernement. «Loyal» à Hollande, Valls n'a pas d'autres choix que de suivre le Président : «C'est la nature même de Matignon avec le quinquennat, fait valoir un secrétaire d'Etat. Vous commencez par des vers de terre mais vous finissez par avaler des boas.»