Mardi soir, François Hollande n'a pas attendu les dépêches et les journaux pour se tenir au courant de la dernière embardée de son ministre de l'Economie. Pendant qu'Emmanuel Macron galvanisait ses partisans à la Mutualité, à Paris, le chef de l'Etat présidait à l'Elysée le dîner hebdomadaire des chefs de la majorité. «Il n'y avait pas de télé allumée pour suivre le match, mais tout ce beau monde a un téléphone portable», relate un conseiller de l'exécutif qui a fourni l'assemblée en SMS tout au long de la soirée. S'il était agacé, Hollande, le «galet» politique sur qui tout glisse, n'en a rien montré. Depuis que l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée qu'il a nommé à Bercy en 2014 a lancé son mouvement politique, Hollande a d'abord opté pour le blanc-seing. «Un ministre veut dialoguer avec les citoyens, ça s'appelle faire de la politique et faire en sorte que les convictions puissent être partagées», déclare-t-il début avril, au lendemain de la naissance d'En marche. «Je cours, moi, je cours», plaisante même le chef de l'Etat, rappelant au passage que tous les deux ne concourent pas dans la même catégorie. Trois semaines plus tard, le ton n'est plus du tout à la badinerie : Macron «sait ce qu'il me doit, c'est une question de loyauté personnelle et politique», cingle Hollande, après les propos de son ministre à Londres déplorant qu'on ait «arrêté une partie des réformes» en France. Mais le couperet ne tombe toujours pas, au grand dam des proches du chef de l'Etat. Ce n'est pas dans la nature du Président de se séparer des gens, de gérer le conflit à chaud. Surtout que «Macron, c'est un peu son fils, sa créature. Et on accepte toujours beaucoup de ses enfants», tente d'expliquer un ministre du second cercle. Dix semaines plus tard, c'est un peu comme si le piège s'était refermé sur l'Elysée. «Si on vire Macron maintenant, on en fait un martyr», résume un pilier de l'Assemblée. «Le sortir pourrait être une difficulté de plus pour le Président, analyse un conseiller ministériel. Certains crieraient illico que Hollande le ringard et Valls l'énervé jettent l'étoile montante de la nouvelle politique.» De fait, après le show de mardi soir, le limogeage du ministre de l'Economie «n'a pas été évoqué un seul instant», dit-on dans l'entourage du chef de l'Etat. «Quand on a vu qu'il ne se passait rien avant le Conseil des ministres, on a compris qu'il ne se passerait rien du tout», confie un conseiller ministériel. Après une séquence loi travail délétère, le Président ne peut se permettre d'ouvrir une crise politique. «Le sortir cette semaine, ce serait se couper tous les bras et toutes les jambes d'un coup», analyse un poids lourd du Parti socialiste. Emmanuel Macron en sera donc quitte pour un énième recadrage un jour de fête nationale. A la Hollande.
Analyse
Longtemps patient, Le chef de l’Etat hésite à tuer le fils
par Laure Bretton
publié le 13 juillet 2016 à 20h51
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