Rien. Nada. Au lendemain du meeting à la Mutualité d'Emmanuel Macron, le Conseil des ministres à l'Elysée s'est passé comme si de rien n'était. Comme si le ministre de l'Economie n'avait pas fait acte, mardi soir, d'émancipation en direction de 2017 et dénoncé les «promesses non tenues» d'un exécutif auquel, pourtant, il appartient.
Mercredi matin, dans le salon du Conseil des ministres, Macron est arrivé après tous ses camarades. Et reparti tôt. Sans traîner dans les couloirs de l'Elysée comme à son habitude. Mais selon l'un d'eux, pas un mot ou une remarque à son encontre. Lors de son compte rendu hebdomadaire, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll a déroulé les sujets abordés par le chef de l'Etat et ses ministres : Euro de football, suites Brexit, séminaire du 23 juillet consacré à la refonte des minima sociaux, entretien téléphonique avec Poutine et Merkel, visite du président sud-africain Jacob Zuma, accord de coopération avec le Tadjikistan… «Voilà l'objet de ce Conseil des ministres», a souligné Le Foll, bouclant son propos liminaire. Sous-entendu : on n'a pas parlé de Macron.
Le Foll : «Eviter de s’égailler»
Les journalistes l'ont donc forcément assailli de questions sur le maintien de Macron au sein du gouvernement alors qu'il est clairement en campagne pour 2017. Le Foll : «Il n'a pas été évoqué une seule fois le meeting de la Mutualité hier soir.» Un problème ? Quel problème ? Le porte-parole du gouvernement renvoie la presse à la traditionnelle interview télévisée de François Hollande, jeudi, à l'occasion du 14 Juillet : «Le président de la République aura l'occasion de s'exprimer demain.» Le fidèle de Hollande consent tout de même à rappeler le «besoin de cohérence» au sein d'une équipe gouvernementale et rappelle le danger du Front national et d'un retour de la droite au pouvoir. Plaisantin, Le Foll s'autorise même une expression en sarthois : «Il faut éviter de s'égailler.» Comprendre : s'éparpiller.
Macron qui parle de «promesses non tenues» ? «Ouais… […] Sur les 60 engagements, on est à 90 %», répond-il. On lui demande alors s'il n'y a pas une certaine forme de «clémence» à l'égard de Macron alors qu'en 2014, son prédécesseur s'était fait virer pour avoir franchi la «ligne jaune». Non, dans «tout ce qui a été dit hier soir», précise Le Foll, les «formules prononcées» n'étaient pas du niveau de la «cuvée du redressement» d'Arnaud Montebourg à la Fête de la rose fin août 2014. Il faudra donc attendre jeudi pour savoir ce que pense le Président des libertés politiques prises par son protégé.
Valls : Macron cède «aux sirènes du populisme»
En revanche, une bonne heure plus tard à Matignon, à l'occasion du «pot de fin de session parlementaire», Manuel Valls ne s'est pas fait prier pour dézinguer son ministre de l'Economie. «L'éthique de responsabilité, c'est le devoir de clarté, pas l'entretien d'un climat, pourri par l'ambiguïté, a balancé le Premier ministre dans un discours écrit, envoyé plus tard à la presse. L'éthique de responsabilité, c'est le respect des règles du collectif et de la solidarité dans l'exercie, si difficile, du pouvoir.»
Et c'est pas fini : «L'éthique de responsabilité, c'est ne jamais entretenir la rupture entre le peuple et ses représentants, a-t-il étrillé devant les parlementaires socialistes. On ne peut pas dénoncer un prétendu "système" en cédant aux sirènes du populisme quand, circonstance aggravante, on est soi-même le produit le plus méritant de l'élite de la République». Valls a poursuivi en dénonçant ceux qui s'en prennent «à ces cercles, ces élus, ces formations politiques». «Bien sûr, elles ont besoin de dépassement, de se réinventer, a-t-il ajouté. Mais nous appartenons à des familles politiques très anciennes, avec des valeurs dont il ne faut jamais s'éloigner [...] Ce que nous devons aux Français, c'est de la clarté, du travail, de la loyauté, de l'engagement, et pas l'entretien d'un climat où l'ambiguïté règne.»