Vendredi, 6 heures. Un jet privé décolle du Bourget. A son bord, six journalistes de BFM TV et leurs trois unités de tournage. Ils s’envolent pour Nice. Quarante minutes plus tard, quatre autres équipes de la chaîne partent d’Orly en avion de ligne. Une demi-journée après l’attentat, ils sont plus de 25, débarqués de Paris, Marseille, Narbonne ou du mont Ventoux, arrivée du Tour de France le 14 juillet. Aux journalistes s’ajoutent leurs équipes techniques qui les rejoignent en camion : jusqu’à 50 personnes mobilisées sur place pour alimenter l’édition spéciale de la chaîne.
«Des appels non-stop, jour et nuit»
Si tous les médias n'ont pas investi autant de moyens que BFM TV, les chaînes, radios, journaux et sites web du monde entier ont envoyé des équipes couvrir l'attaque. A Nice, impossible de se balader dans la rue sans croiser une caméra ou de prendre un verre sans être assis à côté d'un journaliste qui pianote sur son ordinateur. «C'est le débarquement ! On se croirait au Festival de Cannes», s'agace-t-on dans les rues. «Même le Wall Street Journal est venu me voir», renchérit le directeur de l'office de tourisme, Denis Zanon.
Samedi, 40 cars-satellite stationnent sur la promenade des Anglais, à l'endroit même de la tuerie. De là sont envoyées les images de plusieurs centaines de journalistes. «C'est incomptable mais ça vient du monde entier et à plusieurs équipes par média, fait savoir Elodie Ching, attachée de presse de la ville. Depuis l'attaque, ce sont des appels non-stop, jour et nuit.»
Avec cette vague de journalistes arrivent aussi les dérives pour avoir la meilleure image, le meilleur témoignage, le meilleur spot de duplex. Les petits arrangements ont débuté une heure après la tuerie. Dans un hôtel sur la promenade des Anglais, un touriste égyptien brandit son portable devant les yeux des journalistes. Sur l’écran, en boucle, les images d’un policier tirant sur le chauffeur du camion. La BBC saute sur l’occasion pour tenter d’acheter la vidéo. La négociation se fera en privé. Depuis, la vidéo défile en boucle sur les télés et les réseaux sociaux. Et tous les documents se négocient.
300 euros négociés dans un snack
Le tueur identifié, ses proches ressortent de vieilles photos. Dans un snack, samedi, une télé américaine propose 300 euros pour des clichés. Dimanche, des Anglais promettent jusqu'à 3000 euros pour une interview de sa belle-famille. Mais dans le quartier où il vivait, les habitants disent leur exaspération face à cette ruée : «Avant on avait le Raid, maintenant on a les caméras.»
Dans le même temps, certains médias cherchent à entrer sur la zone interdite au public, les trois kilomètres de la promenade des Anglais où la police scientifique fait ses constatations. «Interdiction de passer, même avec une carte de presse», répète inlassablement un policier posté à la barrière. Un homme débarque avec une valise. Il a réservé une chambre au Negresco. Les forces de l'ordre lui demandent un papier attestant sa réservation. L'ouverture de son bagage laisse apparaître un micro bleu. «C'est le défilé, constate l'agent de sécurité. De là-haut, ils ont la meilleure vue sur la "scène".»