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Décryptage

L’indemnisation des victimes, une procédure de longue haleine

Comment les victimes physiques mais aussi psychiques pourront-elles bénéficier du fonds d’aide de l’Etat ? Décryptage.
publié le 18 juillet 2016 à 20h41

Déjà traumatisés, les blessés et les familles de victimes doivent maintenant s’atteler à un long chemin : l’indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

Qui aura droit à une indemnisation ?

Toute personne blessée physiquement ou psychiquement peut y prétendre. Ainsi que les ayants droit des personnes décédées : conjoints, enfants, parents, grands-parents, petits-enfants, frères et sœurs. Les ressortissants étrangers touchés par une attaque en France sont aussi indemnisés, comme les Français victimes d'un attentat à l'étranger. Une définition jugée floue par plusieurs associations d'aide aux victimes. «C'est un peu la loterie. Le fonds s'est refusé jusqu'ici à donner des critères objectifs et transparents», souligne Emmanuel Domenach, vice-président de l'association 13 Novembre : fraternité et vérité. Un manque de clarté qui pénaliserait surtout les victimes psychologiques des attentats. Principale difficulté : prouver leur présence sur le lieu de l'attaque, et ce même si elles peuvent utiliser photos ou coordonnées GPS de leur téléphone. «Il va être compliqué de prouver sa qualité de victime», relève Valentine Juttner, avocate pour l'Association des victimes du terrorisme. «Au Bataclan, le ticket d'entrée faisait foi. Là, cela va être plus difficile» pour les 30 000 personnes présentes sur la promenade des Anglais. La secrétaire d'Etat aux Victimes, Juliette Méadel, se veut rassurante : «Nous veillerons à ce que les victimes, qu'elles soient choquées ou qu'elles soient indirectes, soient indemnisées.» Tout en précisant qu'elles pourront faire établir leur «préjudice» par un «examen psychiatrique» ou par un «dépôt de plainte» dans un commissariat.

Pour quel montant ?

Il est variable. Lors de la création du fonds il y a trente ans, le choix a été fait d'une évaluation au cas par cas, «la plus précise possible pour coller à la réalité». Chaque dossier fait l'objet d'âpres négociations entre juristes du fonds et avocats des familles. Les sommes varient de quelques milliers d'euros à plusieurs centaines. Sur son site, le FGTI donne quatre exemples. Les mêmes depuis des années : la famille de M.Y., 38 ans, mort dans un attentat à l'étranger, a touché 765 000 euros. Monsieur W., 57 ans, sans séquelles physiques mais avec des troubles psychologiques, a perçu 52 000 euros. Le fonds indemnise le préjudice «d'affection», selon le lien de parenté avec la personne décédée. Et le préjudice «économique», évaluant la perte financière pour la famille. La règle est de se replacer dans la situation de la personne avant l'événement. Si la victime avait un salaire élevé et si elle était loin de la retraite, ses proches peuvent attendre une grosse indemnisation. Les conditions dans lesquelles la personne est morte, sur le coup ou après avoir souffert, sont aussi prises en compte.

Quand l’argent sera-t-il versé ?

Lundi, à Nice, Juliette Méadel a précisé que «les premières provisions seraient versées à partir de la fin de cette semaine». Après le 13 Novembre, les premiers versements avaient été rapides. «Les problèmes se sont posés ensuite», témoigne Emmanuel Domenach. Seules les familles qui ont perdu un proche ont reçu une proposition d'indemnisation. Pour les blessés, notamment ceux souffrant de traumatismes psychiques, les délais sont plus longs. Il faut parfois des années aux médecins pour évaluer les séquelles. En attendant, les victimes peuvent demander des provisions, mais «le fonds communique peu sur ce point, alerte Emmanuel Domenach, peut-être par manque de moyens humains».