Menu
Libération
Résistance

Le FN vent debout contre le concept de «ville-monde»

Le parti de Marine Le Pen ne varie pas : il défendra toujours les périphéries, perdants de la globalisation.
Marine Le Pen lors du «banquet patriote», à Paris le 1er mai. (Photo Laurent Troude pour «Libération»)
publié le 24 juillet 2016 à 20h01

Avocat déclaré de l'Etat central et des «territoires oubliés», opposant résolu aux «super-régions» et aux «hyper-métropoles» : dans la redistribution des cartes territoriales, le Front national a choisi son camp. Le récent appel des maires de Paris et de Londres, opposant les «villes-monde» à la «léthargie des Etats-nations», a donc provoqué des réactions épidermiques au sein du parti d'extrême droite. «Utopie mortifère», «délire», «mauvaise science-fiction», a clamé le FN, ajoutant que «le monde d'Anne Hidalgo est précisément ce que combat le Front national».

«Bobos des centre-villes»

Moins commentée que le rejet de l'euro ou de l'immigration, la défense de la ruralité, et des «périphéries» en général, est devenue un pilier du discours frontiste. Dans la réforme territoriale, le FN voit d'abord le risque d'un «transfert massif d'emplois publics et de familles, et [de] la désertification des départements petits et moyens au profit des métropoles». Depuis 2013, Marine Le Pen a d'ailleurs fixé le lieu de sa rentrée politique à Brachay, dans la Haute-Marne : symbole de la «France des oubliés», ce village d'une soixantaine d'habitants a voté à 87% pour le FN aux élections régionales.

Ce positionnement semble répondre à l'imaginaire traditionnel de l'extrême droite : alors que la ville y prend des connotations négatives (déracinement, standardisation…), la ruralité est censée exprimer l'âme nationale. Ce registre n'a pas tout à fait disparu au FN : les orateurs du parti moquent volontiers les «bobos des centre-villes», réputés cosmopolites et coupés du «vrai» peuple.

Mais l'importance accordée par le FN aux espaces périphériques peut être liée à la lecture des travaux du géographe Christophe Guilluy. Ce dernier a théorisé l'opposition entre le dynamisme des métropoles globalisées et des «périphéries» comprenant aussi bien la ruralité que les villes petites et moyennes, perdantes de la mondialisation. Parfois contestées, ces thèses n'ont pas échappé au FN : dès 2011, Marine Le Pen saluait Fractures françaises, «l'essai très instructif de Christophe Guilluy». Il faut dire que ce modèle rejoint la géographie électorale du parti, faible dans les grandes villes, globalement performant dans le périurbain et la ruralité.

Electorat et services 

Dans une récente étude, l’Ifop a relié les résultats du FN à la présence de commerces et de services dans les petites communes. Aux européennes de 2014, le FN a ainsi obtenu un score moyen de 23,5% dans les communes de 500 à 1 000 habitants disposant de six services parmi une liste comprenant boulangerie, café, bureau de poste, banque, médecin ou encore pharmacien. Dans les communes ne comptant aucun de ces services, le score moyen montait à 30,8 %.

«Certains géographes décrivent une société où les métropoles concentreraient à la fois des populations diplômées et progressistes et des immigrés, explique le politologue Joël Gombin. Le FN a choisi de refuser ce modèle et de prendre parti pour ceux qu'il exclut. Il fait avec la métropolisation ce que Poujade faisait avec la modernisation économique des Trente Glorieuses. Cette position a au moins le mérite d'être claire, alors que les autres partis apparaissent plus divisés sur le sujet.»