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Libération
Saint-Etienne-du-Rouvray

L’Eglise demande à ses fidèles de «dépasser leurs peurs»

Procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvraydossier
Face à la barbarie de l’EI, il s’agit pour les responsables des cultes, sidérés, d’être unis et solidaires.
Hommages devant la mairie après l' assassinat terroriste du prêtre Jacques Hamel dans son église à St-Etienne du Rouvray, 26 juillet (Phoot Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 26 juillet 2016 à 22h01

Le geste est en soi tout un symbole. Dès qu'il a appris, mardi matin, la nouvelle de la prise d'otages et de l'assassinat du père Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), Anouar Kbibech, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), a composé un numéro de portable. Celui de son alter ego catholique, Mgr Georges Pontier, le «patron» des évêques français. «Je voulais lui dire ma solidarité et ma compassion», explique-t-il à Libération. A Cracovie, en Pologne, où s'ouvraient le jour même les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), Georges Pontier, «sidéré» par ce qui venait de se passer, a été touché de l'attention. «Mais je l'ai senti sans ressentiment», raconte Anouar Kbibech qui était l'un des premiers à lui téléphoner.

«Aucune polémique»

Le message est clair. D’une confession religieuse à l’autre, personne ne veut laisser le moindre interstice à l’Etat islamique dans sa stratégie de fragmentation de la société française et sa volonté d’instaurer un climat de tension à tonalité religieuse.

Au fil de la journée, la plupart des responsables des cultes ont apporté leur soutien aux catholiques et fait part de leur horreur face à l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. «Nous condamnons avec la plus grande force cette lâche attaque barbare», a déclaré, la Grande Mosquée de Paris. «C'est aujourd'hui l'Eglise catholique qui est visée, mais aussi la France tout entière qui est touchée et porte le deuil», ont déclaré, conjointement, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, et le président du Consistoire central israélite, Joël Mergui.

Côté catholique, la sidération prédomine. «Nous connaissions les risques d'attentat. Mais nous ne pouvions pas imaginer qu'une église comme celle de Saint-Etienne-de-Rouvray soit frappée», a déclaré à Libération le secrétaire général de l'épiscopat, Mgr Olivier Ribadeau-Dumas. Le responsable a précisé que l'Eglise catholique n'ouvrirait «aucune polémique» sur les problèmes de sécurité des lieux de culte. «Nous savons bien qu'il est impossible de sécuriser les 45 000 églises de l'Hexagone», ajoute-t-il. Arrivé en Pologne la semaine dernière pour accompagner les jeunes de son diocèse, l'évêque de Rouen, Dominique Lebrun a voulu faire passer impérativement un message d'apaisement. Délaissant toute allusion politique, il s'est sciemment positionné sur le terrain spirituel : «L'Eglise catholique ne peut prendre d'autres armes que la prière et la fraternité entre les hommes.»

Reste une question. Les autorités religieuses vont-elles être entendues ? Rien n'est moins sûr. Ces derniers mois et en particulier depuis l'incendie en mai d'une mosquée à Ajaccio, les milieux musulmans s'inquiètent d'un climat de plus en plus délétère. Ainsi, Anouar Kbibech n'exclut plus des tentations de représailles à l'encontre des musulmans par les mouvances les plus radicales. «Le risque existe, confie-t-il. Les appels au meurtre se sont multipliés ces derniers temps sur les réseaux sociaux.» Dans les milieux catholiques, la question des relations avec l'islam suscite déjà d'intenses débats.

Franges identitaires

Après l’attentat de mardi, hautement symbolique, les positions pourraient se radicaliser. Parmi les franges identitaires, celles qui affichent une proximité de plus en plus grande avec Marion Maréchal-Le Pen, il y a une claire remise en cause du choix fait par l’Eglise catholique de dialoguer avec l’islam.

Au-delà des discours officiels apaisants, les responsables de l'Eglise ont conscience du problème. «Nous allons demander aux catholiques de dépasser leurs peurs pour préserver l'unité et la solidarité», plaide Olivier Ribadeau-Dumas. Georges Pontier, lui, appelle les catholiques à une journée de jeûne et de prière pour la paix vendredi. Des discussions sont en cours pour une cérémonie qui réunirait l'ensemble des religions.