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Libération
EDITORIAL

Nos armes

Procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvraydossier
A Saint-Etienne-du -Rouvray, le 26 juillet. (Photo Pascal Rossignol. Reuters)
publié le 26 juillet 2016 à 22h01

Sans doute saurons-nous bientôt si le lâche assassinat du père Jacques Hamel a été imaginé en Syrie ou si le crime est né dans le cerveau d’un jihadiste local radicalisé par la propagande de l’EI. Peu importe, après tout. Une nouvelle fois, nous sommes saisis. Ce dernier attentat est pourtant loin d’être aussi sanglant que le précédent, mais il nous sidère encore. Commandité ou pas, douze jours après Nice, l’EI trouve le moyen de s’attaquer, en France, à un nouveau symbole, donnant à chaque mesure antiterroriste imaginée après l’horreur un caractère dérisoire et inutile.

Depuis 2012, les jihadistes auront donc tué des enfants et des adultes, des juifs, des musulmans et des catholiques, des dessinateurs athées, des militaires et des policiers, des fêtards et des promeneurs du 14 Juillet... Cette succession d’attentats, tous différents, donne l’impression que l’EI nous amène inexorablement sur son terrain, comme si l’organisation dictait la règle du jeu et anticipait les mouvements paniqués de ses adversaires. Ne tombons pas dans les pièges de Daech. A commencer par les politiques, aux affaires ou dans l’opposition, et les médias. Tous ceux qui aspirent à devenir «responsables» savent que le terrorisme ne parviendra jamais à abattre notre mode de vie. Aucune armée ne menace sérieusement notre pays, notre Constitution, nos libertés, nos frontières. Aucune ligne Maginot, encore moins celle qu’on dressera à grands coups de menton et de pseudo-valeurs pour donner l’impression que quelqu’un tient le manche, ne fera preuve de garantie totale.

Notre autre ennemi, c’est nous-mêmes, c’est l’impatience, l’irresponsabilité de faire croire qu’on peut tout régler en sacrifiant l’Etat de droit, en surfant sur la rhétorique du choc des civilisations. Il faut plus que jamais refuser d’être entraîné sur le terrain de la division et de cette irresponsabilité politique qui consiste à préférer remporter une primaire et une présidentielle à tout prix. Et à croire qu’on peut prendre de vitesse le FN dans cette inepte surenchère, comme l’espère l’EI. Le combat contre le jihad ne se règlera pas d’ici mai 2017. Donner plus de moyens humains aux services de renseignement, les rendre plus performants que jamais, lutter contre l’imaginaire de Daech, conduire des actions sur le terrain contre les réseaux de financement occulte et les commanditaires produira des résultats dans plusieurs quinquennats sans doute. Enfin, il faut cesser de croire que nous sommes seuls à être dans le collimateur de Daech. Les jihadistes ont tué à Paris, à Toulouse, à Nice, en Normandie, mais aussi à Bagdad, à Tel-Aviv, à Beyrouth, à Orlando... La guerre que nous mène l’EI n’est pas qu’une guerre contre la France, c’est une guerre contre la liberté. Ne la cédons pas sans combattre avec nos propres armes.