Au sein de l'office HLM de Puteaux (OPH), seulement 17,5 % des locataires perçoivent l'APL (Aide personnalisée au logement) attribuée aux ménages les plus modestes. «Un taux très inférieur» au 38,1 % «relevé en région francilienne», souligne le rapport de l'Ancols. Sous-entendu : l'OPH loge une population qui n'est pas toujours dans le besoin. «L'analyse de l'occupation du parc de logement de l'OPH de Puteaux fait […] ressortir un niveau de ressources des locataires supérieur à la moyenne constatée pour l'ensemble des organismes de HLM en Ile-de-France», pointe le rapport. En revanche, l'Ancols observe que l'OPH est à la traîne pour reloger les ménages éligibles au Dalo (Droit au logement opposable), considérés pourtant comme ultraprioritaires au vu de leur situation sociale et leurs conditions de logement (familles vivant à l'hôtel, dans des logements insalubres). L'OPH était tenu de reloger 237 Dalo en cinq ans (de 2009 à 2013). Bilan ? 87 relogements seulement. L'organisme est bien plus compréhensif envers ses locataires «aisés», dont les revenus dépassent l es plafonds HLM. Normalement, ils doivent payer un supplément de loyer de solidarité (SLS) dans un objectif d'équité, puisqu'ils ont un loyer bas. Mais l'office de Puteaux applique un «barème dérogatoire[…]sans fondement»,très peu coûteux pour les 679 locataires qui étaient soumis au SLS en 2014 : le montant moyen de leur supplément de loyer était de 83 euros par mois. Contactée par Libération, la mairie de Puteaux rend l'Etat responsable de la mauvaise application du SLS faute «d'instructions et informations nécessaires» de l'administration.
En Ile-de-France, où l'on compte 450 000 demandeurs de HLM, l'obtention d'un logement social exige généralement une attente de plusieurs années, tant la file est longue. Mais à Puteaux, l'Ancols observe que certaines demandes sont satisfaites en un temps record, citant le cas de deux demandeurs. Le premier, «une personne seule», a obtenu dans le cadre d'une mutation «un logement type F3 duplex […] cinq jours après le dépôt de sa demande». Deuxième cas : «Une candidate hébergée chez un Putéolien» s'est vu attribuer un logement HLM «sept jours» après le dépôt de son dossier. Des délais «surprenants», ironisent des acteurs du monde HLM contactés par Libération. Plus grave : «A maintes reprises sur la période 2010-2013», l'office de Puteaux n'a pas signalé aux autres «réservataires» (la préfecture et le «1 % logement») les logements HLM vides qu'il leur revenait d'attribuer (1). Lors d'une commission du 23 octobre 2013, 11 logements relevant du contingent préfectoral (servant à loger les fonctionnaires ou les démunis) sont allés - à tort - à des candidats présentés par la ville de Puteaux ou par son office de HLM. «A cette occasion, un logement réservé fonctionnaire a même été attribué à une salariée de l'office», indique le rapport qui fait état d'«irrégularités et [de] manquements graves». Contactée par Libération, la mairie de Puteaux minimise les attributions effectuées à la place de la préfecture, qui ne représenteraient que «0,7 %» de son contingent.
(1) Les HLM sont attribués par ceux qui participent au financement de leur construction : Etat (préfecture), communes, 1 % logement (pour loger les salariés des entreprises).
La faute de gestion la plus grave observée par l'Ancols, lors de son inspection à l'OPH de Puteaux, concerne la construction d'un parking souterrain de 246 places avec aménagement d'un jardin en surface dans le cadre de la rénovation du quartier de Lorilleux. «Le projet prévoyait que l'un des niveaux serait réservé aux locataires de la résidence Lorilleux et l'autre ouvert au public», souligne le rapport. Estimé initialement à 6,9 millions d'euros, l'ouvrage coûtera finalement à l'organisme de HLM 9,6 millions. La ville tentera ensuite de le racheter pour 2,3 millions, soit 7,3 millions de moins. Mais le projet de vente sera finalement annulé. Dans cette affaire, l'Ancols note de très graves irrégularités : l'OPH de Puteaux s'est lancé dans la construction de ce parking «sans décision explicite de son conseil d'administration», en l'«absence d'études financières préalables», concernant notamment son équilibre d'exploitation. Le rapport relève que cet ouvrage «n'entre pas dans l'objet social d'un OPH» et que les éléments du permis de construire laissent entendre qu'«une fois construit [il] était destiné à être cédé». L'annulation de la vente serait intervenue «à l'issue du contrôle de l'OPH», affirme le rapport. L'Ancols estime à 3,5 millions d'euros le préjudice pour l'OPH (en soustrayant les subventions). Contactée par Libération, la mairie de Puteaux contre-attaque : en quoi ce parking est-il «étranger à l'objet social d'un OPH ? Ce qui est à souligner, c'est l'incompétence des analystes de l'Ancols, qui n'ont rien compris à ce projet». Et d'ajouter : «Si la ministre souhaite sanctionner l'office sur cette base, c'est de sa responsabilité. Si tel était le cas, nous irons devant le juge pour obtenir réparation du préjudice financier.»