Equiper des militaires de lance-roquettes, ouvrir un «Guantánamo à la française» sur l'île de Ré ou encore instaurer l'état de siège, les idées fusent dans les rangs politiques pour lutter contre le terrorisme.
David Lisnard lui, n'en est pas resté au stade de la proposition. Au lendemain de l'attaque jihadiste dans une église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), le maire Les Républicains de Cannes, dans un courrier adressé à des représentants catholiques des Alpes-Maritimes, a appelé à «apporter une réponse impitoyable à ceux qui ont juré devant la diable de nous asservir à leur démon». Et décidé d'apporter sa contribution, à l'échelle municipale.
Ainsi, depuis le 27 juillet, il est impossible de déambuler sur le littoral avec une valise. Le maire a pris un arrêté qui interdit aux piétons de se promener avec des sacs de grosse dimension ou des valises. «La Mairie de Cannes met un place un dispositif supplémentaire de protection des Cannois et des touristes sur les plages du littoral, dans le cadre de l'état d'urgence, en interdisant le port et le transport à pieds de contenants de grande dimension (valises ou autre bagages) dont l'opacité et la taille pourraient dissimuler des matériels dangereux, armes ou produits explosifs», explique un communiqué.
«Surenchère sécuritaire»
Les forces de police pourront ainsi verbaliser «les contrevenants récalcitrants» et les faire évacuer des zones concernées par l'arrêté. Une «mesure préventive, qui s'inscrit dans une démarche de résistance et de résilience collective afin de préserver notre mode de vie balnéaire tout en faisant preuve de vigilance», indique le communiqué de la mairie. Préventive certes, mais aussi contestable, selon Philippe Bluteaux, avocat spécialiste du droit administratif. «Les maires ont la compétence et le devoir d'assurer la sécurité dans leur commune. Ils peuvent donc prendre des mesures pour cela mais elles doivent être nécessaires et proportionnées. Il me semble que sur ce point, l'arrêté pourrait nourrir quelques critiques et pourrait donc être contesté». Le «cadre de l'état d'urgence», dans lequel la mairie situe son dispositif, n'y change rien, ajoute l'avocat.
Jean-Marc Jofre, président du syndicat national des policiers municipaux, juge pour sa part la mesure inapplicable : «Imaginez toutes les familles qui vont à la plage avec un gros sac pour les jouets des gamins. Le seul effet de cet arrêté, c'est de les faire attendre pour aller se baigner». Mais aussi inefficace : «Une arme de poing, un engin explosif, ça se dissimule n'importe où. Et imaginez le nombre de policiers qu'il faut pour contrôler un tel périmètre…» Celui-ci s'étend en effet sur une dizaine de kilomètres. «C'est de la surenchère sécuritaire dans la mouvance de ce qui se fait aujourd'hui, s'agace Jean-Marc Jofre. Chaque maire va prendre son petit arrêté qui n'a qu'un effet médiatique.»
La mairie de Cannes, contactée pour solliciter une interview de David Lisnard, a expliqué que ce dernier «n'avait plus de créneaux», sa journée étant déjà remplie... Par des rendez-vous avec la presse et des reportages sur l'arrêté.