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Libération
Saint-Etienne-du-Rouvray

Abdel-Malik Nabil Petitjean, le deuxième tueur, était recherché

Procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvraydossier
Le second homme impliqué dans l'assassinat du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray a été formellement identifié ce matin comme étant Abdel-Malik Nabil Petitjean. Les services de renseignement étaient sur ses traces depuis le week-end dernier.
Assassinat du prêtre Jacques Hamel dans une église non loin de Rouen. Cet attentat est revendiqué par Daech, à Saint-Etienne-du-Rouvray, le 26 juillet (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 28 juillet 2016 à 13h45

L'analyse ADN est venue confirmer les soupçons des enquêteurs : le deuxième assaillant est bien Abdel-Malik Nabil Petitjean, 19 ans, originaire de Saint-Dié-des-Vosges. Titulaire d'un BEP en commerce obtenu en juin 2015, le jeune homme habitait chez sa mère à Aix-les-Bains. Une carte d'identité à son nom avait été retrouvée peu après les faits au domicile familial d'Adel Kermiche, le premier terroriste identifié. Mais la confirmation officielle de l'identité de Petitjean a pris davantage de temps car, l'individu n'ayant jamais fait l'objet de condamnation, la justice ne disposait d'aucune empreinte ni de son ADN.

«Prêt à participer à un attentat»

Cela ne signifie pas pour autant qu'il se trouvait hors des radars. Bien au contraire : depuis dimanche dernier, il faisait même l'objet d'une véritable traque dans toute la France. Tout a commencé le 29 juin par un signalement à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) française émanant des services turcs. Selon nos informations, le 10 juin, Petitjean a en effet transité par la Turquie, dans l'intention de gagner la Syrie. Il a ensuite rebroussé chemin pour rentrer en France, le lendemain. Les informations transmises par les autorités turques à la France arrivent donc quinze jours après ce périple avorté. La DGSI émet aussitôt une fiche S de surveillance. Mais cela ne donne rien puisque le jeune homme est déjà de retour dans l'Hexagone. D'après l'Obs, son compagnon de route vers Istanbul, un certain Jean-Philippe Steven J., 20 ans, fiché S, a été interpellé mercredi soir.

Or vendredi dernier, un «partenaire étranger», selon une source proche du dossier, informe les services de renseignement qu'un terroriste s'apprête à commettre un attentat sur le sol français. Son identité est inconnue, seule sa photographie est transmise. Sur la foi de cette information, l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) diffuse donc, quatre jours avant l'attentat, cette fiche à l'ensemble des services – police, gendarmerie et douanes – avec le titre suivant : «Menace contre le territoire national». Il est précisé : «L'individu […] serait prêt à participer à un attentat sur le territoire national. Il serait déjà présent en France et pourrait agir seul ou avec d'autres individus.» Une course contre la montre s'engage pour le retrouver. C'est une mission périlleuse puisque les informations se résument à une seule photo. Un visage sans nom. De même, aucune cible, lieu, date ou mode opératoire n'est précisé pour le projet d'attentat qu'il envisagerait de perpétrer.

Vidéo d'allégeance à l'Etat islamique 

Plusieurs personnes suspectées d'être en lien avec les milieux terroristes étaient étroitement surveillées. Une perquisition administrative avait été effectuée dimanche matin chez un homme faisant l'objet d'une fiche S et qui, selon une source judiciaire, «était connu du renseignement pour être velléitaire au départ en Syrie». Depuis la ratification de la troisième prolongation de l'état d'urgence, le 21 juillet dernier, les données informatiques saisies lors d'une perquisition peuvent être exploitées par les services. C'est ainsi que les enquêteurs découvrent dans le téléphone de cet homme une video qui retient leur attention. Selon nos informations, à l'écran, on voit un homme, seul, qui prête allégeance à l'Etat islamique. Il correspond à l'individu qui se trouve sur la fiche transmise par l'Uclat – en plan plus resserré – et porte la même tenue, un tee-shirt rayé. Cette vidéo d'allégeance avait été partagée sur un groupe privé de la messagerie sécurisée Telegram, dont est membre l'homme visé par la perquisition.

La menace se confirme mais l’individu recherché est toujours un fantôme. Lorsqu’on le retrouve, il est trop tard : il a été abattu sur le parvis de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray après avoir tué le prêtre Jacques Hamel. Abdel-Malik Nabil Petitjean sera finalement identifié par comparaison du profil génétique de sa mère – prélevé dans la nuit de mardi à mercredi. Des questions restent encore en suspens : était-il possible de faire le lien entre la fiche S et celle de l’Uclat plus tôt ? Ou encore : comment les deux terroristes se sont-ils rencontrés et ont-ils bénéficié d’autres complicités ?