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Saint-Etienne-du-Rouvray : les religieuses prises en otage témoignent

Procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvraydossier
Dans l’hebdomadaire «La Vie», les trois religieuses racontent leur face à face avec le commando terroriste.
Une femme enlace soeur Danielle (à g.), le 28 juillet 2016 à Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo CHARLY TRIBALLEAU. AFP)
publié le 29 juillet 2016 à 21h27
(mis à jour le 30 juillet 2016 à 16h50)

«Ils avaient le style des terroristes qu’on voit à la télé. L’un portait un calot noir sur la tête et la barbe bien fournie. J’ai tout de suite compris.» Sœur Hélène Decaux était présente dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray mardi avec deux autres religieuses, Danielle Delafosse et Huguette Péron, quand les deux terroristes ont fait irruption et ont assassiné le père Jacques Hamel. Dans le magazine chrétien La Vie, les trois religieuses racontent leur face à face avec le commando terroriste.

Soeur Huguette Péron explique à l'hebdomadaire que l'un des deux hommes s'est présenté une première fois pendant l'office, prétextant vouloir demander des renseignements. «Je lui ai dit de repasser après la messe, dix minutes [plus tard].» Il revient peu après, accompagné d'un autre homme, cette fois vêtu de noir. «Ils étaient très énervés. Ils ont proféré une sorte de slogan en arabe puis nous ont reproché en français le fait que "nous, les chrétiens, nous ne soutenions pas les arabes"», poursuit la religieuse. Selon les sœurs, les deux hommes font alors s'agenouiller le prêtre, et ordonnent à l'un des paroissiens, âgé lui aussi de plus de 80 ans, de filmer la scène. «C'est là que l'un d'entre eux a porté le premier coup sur sa gorge. Je suis alors partie», raconte sœur Danielle Delafosse. Cette dernière parvient à quitter l'église et arrête la première voiture, en demandant à l'automobiliste de contacter la police.

Sourire

Les deux assaillants achèvent alors le père Jacques Hamel et blessent grièvement le paroissien qui tenait leur caméra, avant d'indiquer aux religieuses qu'elles sont retenues en otage. Alors que les deux victimes gisent à terre, les deux terroristes, qui avaient jusqu'à ce moment fait preuve d'agressivité et d'énervement, changent brutalement de comportement. «J'ai eu droit à un sourire du second. Pas un sourire de triomphe, mais un sourire doux, celui de quelqu'un d'heureux», raconte soeur Huguette Péron. Soeur Hélène Decaux, 83 ans, et l'épouse du fidèle blessé, demandent à s'asseoir. L'un des deux tueurs accepte. «Je lui ai demandé ma canne, il me l'a donnée», précise soeur Hélène.

Conversation religieuse

La conversation prend alors une tournure religieuse assez surréaliste. L'un des deux assaillants demande à sœur Hélène Decaux si elle connaît le Coran. «Oui, je le respecte comme je respecte la Bible, j'ai déjà lu plusieurs sourates. Et ce qui m'a frappé en particulier, ce sont les sourates sur la paix», répond la religieuse, avant de se voir répliquer : «La paix, c'est ça qu'on veut. Quand vous passerez à la télévision, vous direz à vos gouvernants que tant qu'il y aura des bombes sur la Syrie, nous continuerons les attentats. Et il y en aura tous les jours. Quand vous vous arrêterez, nous arrêterons.»

Les deux terroristes mettent alors l’autel et l’église à sac, en criant «Allah akbar !», semblant attendre la police, selon le témoignage des religieuses. Les deux hommes tenteront de sortir de l’édifice en prenant les trois otages comme bouclier humain, avant que les forces de l’ordre n’interviennent et parviennent à les neutraliser.