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Libération

Un syndicaliste viré après avoir dénoncé de la pédopornographie

publié le 29 juillet 2016 à 20h41

Pour le Syndicat national des transports urbains (SNTU) de la CFDT, il est «un lanceur d'alerte en passe d'être licencié». Mais pour son employeur, la CTPO, en charge du réseau de bus urbain du Havre et filiale de Transdev, il est d'abord coupable d'un «manquement avéré à ses obligations professionnelles». D'où la lettre de licenciement qui lui a été envoyée le 15 juillet. Deux semaines plus tôt, le 28 juin, cet informaticien d'une trentaine d'années est allé voir son directeur pour «signaler des photos pédopornographiques» découvertes sur du matériel informatique que lui avait confié un collègue, explique Eric Hugon, le secrétaire général du SNTU CFDT. Quelques heures plus tard, il était mis à pied.

Salarié protégé. «Une surprise», raconte l'intéressé, même s'il précise que depuis près d'un an, ses relations avec sa direction s'étaient dégradées. «Un salarié m'a demandé de récupérer les données professionnelles d'un disque dur externe. Ce que j'ai fait. Mais quelques jours plus tard, je me suis rendu compte que ce dernier contenait aussi quelques données personnelles. Je suis tombé sur des fichiers explicites de pédopornographie et je suis allé avertir ma hiérarchie», explique l'informaticien. «Sous le choc», il pense trouver un soutien. Mais c'est «seul, sans aide ni accompagnement de l'entreprise» qu'il dépose plainte, le lendemain, après avoir été mis à pied, explique la CFDT.

S'ensuit une procédure de licenciement, pour l'heure aux mains de l'inspection du travail qui, compte tenu du statut de salarié protégé du syndicaliste, doit statuer sur sa validité. De quoi mettre en colère le syndicat : «Le délégué du personnel a agi de manière désintéressée et de bonne foi pour révéler un délit dont il a eu personnellement connaissance. A ce titre, il devrait être soutenu et protégé, et non réprimé pour cet agissement courageux.»

Mais pour la direction de la CTPO, qui a également signalé les photos à la police et lancé, en parallèle, une procédure disciplinaire à l'encontre du salarié propriétaire du disque dur, l'informaticien a bien commis une erreur. Sa faute ? Avoir introduit les données issues d'un disque dur personnel sur un des serveurs de la société. «Et non d'être venu nous voir», précise la direction.

«Discrimination». Dans l'entreprise, certains s'étonnent de cette décision, jugée sévère, et se demandent si ce n'est pas là l'«occasion de se débarrasser d'un militant syndical qui faisait bien son boulot». D'autant que l'informaticien assure qu'il n'était pas au courant que ce disque dur appartenait à son collègue et non à la société. «Délégué du personnel ou pas, cela ne change rien à la faute», répond Sylvain Picard, le directeur de la CTPO. Pas de quoi convaincre la CFDT, qui souligne que «les exemples de discriminations syndicales ne manquent pas» au sein du groupe. Selon eux, l'informaticien, délégué du personnel depuis 2015, aurait ainsi «été menacé par deux fois par sa direction pour son militantisme». D'où le préavis de grève pour le 1er septembre, afin de défendre son délégué et de «dénoncer les pratiques indignes du groupe».