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Patrimoine

Interdire les destructions d'église, l'idée inutile d'Yves Jégo

La proposition du député centriste de Seine-et-Marne d'empêcher de démolir les lieux de culte chrétiens n'est qu'une perche dénuée de sens dans une actualité vide.
Les vigiles d'une agence de sécurité bloquent l'accès à l'église Sainte-Rita, à Paris, après l'évacuation des fidèles, le 3 août 2016. (Photo Geoffroy Van Der Hasselt. AFP)
publié le 5 août 2016 à 17h49

Sans doute pour faire parler de lui, Yves Jégo, député centriste de Seine-et-Marne, a mélangé dans un shaker la mort du prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), l'expulsion de l'église Sainte-Rita à Paris, son besoin de flatter les «racines chrétiennes» de la France et la faible actualité du mois d'août pour présenter une mesure : l'interdiction de la destruction des églises. Une mesure qui apparaît peu utile tant les solutions existent déjà.

Pour justifier sa proposition, il convoque l'évacuation et la future démolition de l'église non consacrée de Sainte-Rita, en expliquant lui-même que sa proposition ne concernerait pas le bâtiment en question. Ce dernier n'entre pas dans le cadre de la loi de 1905 et n'est pas même considéré comme patrimoine remarquable. «Cette architecture néogothique très tardive et sans qualité particulière spatiale, décorative ou constructive, ne mérite pas de protection patrimoniale», détaillait en 2010 la commission du vieux Paris.

«Il est temps de mettre fin à la destruction de nos églises», insiste Yves Jégo, qui veut que «soient renforcées les protections pour empêcher de les démolir». Le phénomène n'est pourtant pas très important. Selon l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR), cité dans un rapport sénatorial sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, 19 églises ont été détruites entre 2000 et 2015 en France, et «200 églises seraient menacées de vente ou de destruction en France métropolitaine». Toujours selon l'OPR, «la disparition de 5 000 à 10 000 édifices religieux d'ici 2030» peut être «redoutée», sans que l'observatoire ne précise si ces bâtiments seraient détruits où attribués à d'autres activités.

Hervé Maurey, sénateur UDI de l'Eure, qui a rédigé le rapport, ne voit pas l'intérêt d'une telle proposition de loi : «Ça ne me paraît pas un phénomène méritant qu'on prenne des mesures. Les destructions d'église restent assez rares. On ne détruit pas d'églises en France, sauf cas exceptionnel où elles sont en ruine et qu'il y en a deux dans la même commune. Dans certains pays, les églises sont transformées en logement ou salle de concert mais ce ne sont pas des phénomènes qu'on peut observer chez nous.»

Concernant la proposition du député de classer comme «monument historique» tous les édifices vieux de plus de soixante-quinze ans, une réponse du ministère de la Culture en 2013, expliquait qu'un tel classement n'est pas nécessaire. Il «se doit de demeurer sélectif et ne peut concerner toute église dont la conservation serait menacée», expliquait le ministère, ajoutant que «les églises non protégées au titre des monuments historiques peuvent d'ailleurs bénéficier d'autres dispositifs de protection».

«Souvent, il y a un effort très substantiel de la part des communes pour remettre en état les églises, analyse Hervé Maurey. Comme c'est le seul élément patrimonial de la commune, tous les efforts sont faits pour qu'il soit restauré, et les communes peuvent compter alors sur des subventions.»  Parmi les recommandations de son rapport, celle d'améliorer l'information des maires, pour leur faire connaître «les possibilités d'aides financières des communes pour des réparations d'édifices cultuels appartenant aux associations cultuelles».