Une primaire vise-t-elle à désigner le candidat qui a le plus envie d’être élu ou celui qu’on considère pouvoir être le meilleur chef de l’Etat pour la France ? Les millions de sympathisants de la droite, et un peu du centre, qui choisiront fin novembre leur champion pour 2017 ne devront pas se tromper de question. Un choix d’autant plus confortable que la victoire finale du candidat LR, Juppé ou Sarkozy, reste à ce jour le scénario le plus crédible. Confronté à un effritement assez logique de sa forte popularité - sans que cela ne remette en cause ses perspectives de victoires aux seconds tours de la primaire comme de la présidentielle - Juppé a une responsabilité particulière : celle de continuer à faire du Juppé alors que beaucoup dans son camp font de plus en plus du Le Pen.
Quand il l’a joué Sarkozy après l’attentat de Nice, en affirmant que le drame aurait pu être évité, l’ex-Premier ministre en a sûrement ravi certains, mais il a surtout fait preuve d’une démagogie inhabituelle chez lui. Loin du statut d’homme d’Etat dont même la gauche le crédite. Or, si les nuances économiques entre les principaux candidats de la primaire semblent mineures - tous rivalisant de potions libérales -, le niveau auquel le favori décide de placer le débat est une question majeure. Sans cela, le risque d’une «trumpisation» de 2017 guette, Sarkozy comme Le Pen étant lancés dans une campagne identitaire, tendance «grand remplacement», carburant au terrorisme, aux migrants et à notre mode de vie menacé. Avec l’Etat de droit comme nouveau chiffon rouge. Pour Juppé, l’enjeu est de ne pas se laisser entraîner dans ce combat de rue qui n’est pas le sien, tout en démontrant que non, le favori qu’il est ne s’est pas «balladurisé» en apesanteur dans sa bulle sondagière. Pour justifier les espoirs placés en lui par son camp, Juppé doit rester l’original, surtout pas devenir une copie ratée. De Balladur mais plus encore de Sarkozy.