Didier Arino, directeur du cabinet de conseil Protourisme, explique en quoi la physionomie des vacances témoigne des inégalités entre profils sociaux.
La crise de 2008 a eu un impact considérable sur le taux de départ en vacances des Français. Huit ans plus tard, la situation a-t-elle changé ?
Pas vraiment. A l’époque, la chute a été terrible. On a dénombré jusqu’à trois millions de partants en moins. La situation s’est améliorée, mais tant qu’il y aura un chômage aussi élevé, il n’y aura pas de reprise substantielle des départs. Ces deux questions sont étroitement liées, d’autant qu’on considère que la situation d’une personne sans emploi touche, en fait, six individus. Quand on a un fils dans la galère, on ne part pas en vacances aux Maldives. Ces dernières années, la courbe des départs a fluctué. En 2015, par exemple, elle était en hausse, contrairement à cette année.
Quelles sont les raisons de ces évolutions ?
Les variations sont multifactorielles. Depuis le phénomène de rattrapage - une famille qui n'est pas partie une année ni la suivante partira peut-être la troisième - jusqu'à la météo, en passant par l'actualité. Les attentats de janvier 2015 ont ainsi agi comme un booster sur les vacances des Français, sur le mode «on n'a qu'une vie». Cette année, ils ont l'effet inverse et figent les gens. Ce qui explique en partie un taux à la baisse.
La physionomie des vacances a-t-elle changé ?
Oui, depuis la crise, on assiste à un fractionnement. La sacro-sainte semaine du samedi au samedi existe de moins en moins, au profit de séjours plus courts, y compris l’été. Les gens partent cinq jours au lieu de sept, ou dix au lieu de quinze. Et chacun - quels que soient ses moyens - essaie de faire une bonne affaire. Ceux qui comparent le plus les prix ne sont d’ailleurs pas les plus pauvres. Car ces derniers, de toute façon, ne partent pas. Globalement, les années où les départs sont à la hausse, les dépenses, elles, sont à la baisse. Le budget vacances, c’est ce qui reste quand on a tout payé. Alors un petit marché de la débrouille s’est développé, avec des pratiques de substitution. On part par exemple chez les parents ou les amis. Mais, là encore, les écarts sont manifestes entre les riches, qui ont plus de chances d’avoir des proches propriétaires d’une maison à Menton, et les pauvres, dont les copains habitent un HLM à Saint-Ouen.
Les écarts se creusent, donc…
Tout à fait. Les vacances sont peut-être le domaine où les inégalités entre profils sociaux sont les plus exacerbées. Les écarts reposent sur les revenus mais aussi sur le statut : les fonctionnaires ont ainsi un taux de départ plus proche de celui des cadres que de celui des ouvriers de PME. Plus on est précaire, et moins on peut se permettre de partir.