Souriant, toujours. Comme une réponse silencieuse à ceux qui, pendant ses sept mois coincé au Bangladesh, n'ont pas cru en lui. Moussa Ibn Yacoub, militant de l'association BarakaCity, a fêté son retour en France, mercredi en fin d'après-midi, à la mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis), sa ville natale. Une cérémonie organisée par l'édile communiste de la commune, Patrice Bessac, et qui a réuni 150 personnes.
Avant de s'asseoir au micro, le maire appelle Moussa à le rejoindre, alors que le jeune homme est occupé à saluer ses soutiens. Porté par une notoriété nouvelle, il revient sur son engagement humanitaire et sa détention. Et explique que s'il veut avant tout «se reposer et faire le point», il envisage déjà de repartir, notamment au Bangladesh, où il a déjà un nouveau projet.
BarakaCity, une ONG considérée trop «radicale»
«Soutenir Moussa, ce n'était pas une question d'étiquette politique ou de religion, mais de droits humains», avance, pour sa part, Patrice Bessac, qui rappelle que la mairie de Montreuil s'est engagée tôt pour soutenir «l'un de ses enfants», lorsque d'autres, au niveau national semblaient plus réservés.
C'est même l'un des reproches récurrents : pourquoi la situation de Moussa n'a-t-elle pas mobilisé autant que d'autres cas de captifs, avant lui ? «C'était un véritable combat pour qu'il soit lavé de tout soupçon», explique Fatiha Khettab, qui l'a rencontré dans l'associatif en 2010. En cause, son appartenance à l'ONG BarakaCity, une organisation contestée pour son engagement religieux et considérée par plusieurs responsables politiques comme trop «radicale». Moussa, employé de cette organisation, s'était rendu au Bangladesh pour soutenir les Rohingyas, une minorité musulmane opprimée.
Mais aujourd'hui, pour sa fête de retour, l'humanitaire, ne veut pas «perdre de temps avec ces polémiques», et préfère retenir le fondement de son engagement. «J'ai commencé il y a plusieurs années par soutenir les roms, persécutés à Montreuil comme ailleurs. Maintenant j'ai décidé de me tourner vers l'international pour venir en aide aux Rohingyas.» Une façon de rappeler que son positionnement n'a pas été seulement «communautaire». Questionné sur son avenir à BarakaCity, l'humanitaire demande «du temps pour réfléchir, faire le point sur tous les événements». Il rappelle qu'il y travaille depuis trois ans et partage ses valeurs.
Selfie et mégaphone
Les négocations diplomatiques sont évoquées avec pudeur, règle d'or en la matière. «Sa libération est intervenue en concertation avec le Quai d'Orsay», explique son avocat Hosni Maati. Mais pour lui, c'était avant tout une victoire judiciaire : «Tout est réglé désormais, la cour d'appel a considéré que les charges qui pesaient sur lui n'étaient pas étayées». Moussa était poursuivi par les autorités bangladaises pour «usurpation d'identité» et «activité suspecte». Fatiha Khettab apporte une précision : «Les diplomates, sur place, nous disaient que c'était à nous de mettre la pression sur les politiques.»
Pour terminer, Moussa décroche son portrait affiché pour sa libération sur le fronton de la mairie. Puis, comme pour n'importe quelle star, plusieurs personnes se pressent pour une photo ou un selfie avec lui. De l'autre côté de la route, à l'écart et derrière des banderoles, une cinquantaine de personnes scandent son nom : «Moussa ! Moussa !». Une militante du Droit au logement prend un mégaphone pour alerter sur la situation de plusieurs familles roms à la rue : «On a besoin de toi, Moussa, on a besoin de ton soutien». Un peu dépassé par la situation, Moussa explique après coup : «J'aurais bien aimé qu'on se voit avant mais ça ne me gêne pas qu'ils aient profité de la cérémonie pour faire passer ce message». Et assure qu'il a insisté sur les difficultés rencontrées par les roms auprès du maire de la ville. «J'ai besoin d'un peu de temps pour comprendre le personnage public que je suis devenu.»