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Libération
Etat d'urgence

Le réfugié afghan mis hors de cause par la justice restera assigné à résidence

Le tribunal administratif de Versailles a refusé de suspendre la mesure prise contre cet homme que la police avait entendu, sans le poursuivre, à propos d'un attentat-suicide.
Un policier au palais de justice de Paris, en 2015. (Photo Loïc Venance. AFP)
publié le 12 août 2016 à 19h40

La police judiciaire l'a mis hors de cause, mais le ministère de l'Intérieur n'était pas du même avis. Un réfugié afghan de 30 ans, soupçonné d'avoir voulu préparer un attentat sur la base d'un témoignage, est assigné à résidence depuis la fin de sa garde à vue, dont il était ressorti libre samedi dernier. Le tribunal administratif, qu'il a saisi en urgence, s'est rangé derrière la Place Beauvau. Dans sa décision rendue ce vendredi, le juge des référés rejette la demande du réfugié considérant qu'il existe des «raisons sérieuses de penser que M. Z constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics», visiblement convaincu par les arguments de l'Intérieur.

A commencer par celui-ci : M. Z avait quatre comptes Facebook, sous quatre identités différentes, selon une note blanche produite devant la juridiction administrative. Dans ce document, sans en-tête, ni signature, le ministère de l'Intérieur précisait que le réfugié avait créé son premier compte depuis la Turquie en septembre 2015. «Ce qui n'est pas rien, [mais] pour nous, un signal fort», selon la représentante du ministère à l'audience. «Il y a des signaux qui montrent que, potentiellement, l'histoire peut être vraie», a-t-elle insisté, évoquant des photos publiées sur Facebook prises «devant des bâtiments et dans des transports en commun». Et de marteler : «Vous voyez que ça interpelle ! On ne peut pas dire que c'est absolument anodin…»

Pas besoin de «preuves irréfutables»

«Le ministère de l'Intérieur se fait juge d'instruction, représentant du parquet et quasiment juge des libertés et de la détention. Si mon client représente une menace terroriste et un danger, qu'il soit mis en examen pour protéger la société !» s'agace l'avocat du réfugié, Victor Zagury, confronté à une situation pour le moins inextricable. La brigade criminelle n'avait pas estimé utile de prolonger la garde à vue du réfugié au-delà de vingt-quatre heures, alors qu'elle aurait pu durer six jours. «La section antiterroriste de la Crim, qui n'est pas composée de débutants mais du fleuron de la police, et le parquet ont dit "circulez, il n'y a rien à voir"», observe MZagury. Pour les mêmes suspicions, l'exécutif a assigné à résidence son client.

Le ministère de l'Intérieur s'en est justifié, expliquant que les poursuites pénales nécessitent des «preuves irréfutables», mais pas les mesures prises en vertu de l'état d'urgence. Ce qui est d'autant plus souhaitable, poursuit l'Intérieur, que «l'administration de la preuve est rendue plus difficile par les contraintes propres au travail des services de renseignement» qui ne peuvent ni révéler des informations classifiées ni compromettre leur source, dont «l'essentiel» sont humaines (et non issue de surveillances techniques).

«Qu'un juge d'instruction enquête !»

Dernier élément avancé par l'Intérieur : les autorités avaient reçu un signalement similaire au sujet de l'un des futurs assassins du père Hamel quelques jours avant son passage à l'acte, à Saint-Etienne-du-Rouvray. Cette fois, l'exécutif a utilisé ses pouvoirs étendus permis par l'état d'urgence, prolongé une nouvelle fois après les 85 morts du 14 juillet à Nice. «L'assignation à résidence est totalement illusoire. S'il y a péril, qu'un juge d'instruction enquête ! Que ce soit en termes de liberté fondamentale et de sécurité publique, on ne mange à aucun râtelier : ni l'un, l'autre n'est satisfait» regrette Me Zagury, qui réfléchit à la possibilité de faire appel.