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Duflot candidate : «L’espace est mince. Mais il existe. Avec foi, Cécile»

Libération publie la lettre de candidature à la présidentielle de Cécile Duflot
"L’espace est mince. Mais il existe. Avec foi, Cécile" (Photo Guillaume Souvant.AFP)
publié le 20 août 2016 à 12h31
(mis à jour le 20 août 2016 à 14h43)

Chères amies, chers amis.

Au travers de la primaire de l’écologie, j’ai décidé de concourir à l’élection présidentielle de 2017.

Parce que l’écologie est une cause trop importante pour que sa défense soit absente des enjeux d’une élection qui peut fixer le cap de notre pays pour les années à venir, Je n’ai jamais fait mystère que je me préparais à cette échéance.

Or tout a été fait et sera fait pour nous écarter  : la bataille à venir s’annonce rude. Y compris pour recueillir les 500 signatures nécessaires. Les règles du jeu ont été récemment modifiées pour écarter les formations comme la nôtre. Nous devons tenir bon. Nous devons aussi faire en sorte que l’écologie libre sorte gagnante des élections législatives qui suivront. Nous sommes la force qui construit l’avenir et avons donc la responsabilité de renforcer notre efficacité et notre influence.

Voilà pourquoi cette candidature écologiste n’est pas une aventure individuelle mais nous engage collectivement. Je mesure la responsabilité qui est la mienne. La notoriété que j’ai acquise dans nos combats communs grâce à la confiance que les militantes et les militants m’ont accordée, je me dois de la mettre au service de l’intérêt général. C’est un immense honneur bien évidemment mais c’est avant tout une épreuve. Gardons en tête nos campagnes passées.

La présidentielle est un marathon. Pas un sprint. On ne s’improvise pas candidat.

Une présidentielle nécessite une vision, de la pédagogie pour la faire partager, de l’expérience pour être crédible, de la détermination pour ouvrir un chemin dans les consciences.

Je suis née écologiste, parce que mes parents m’ont transmis l’amour de la nature et le souci de sa préservation. L’écologie politique est d’abord un mouvement d’affirmation de l’importance de la question naturelle. Or, l’idée de nature à déserté nos sociétés, trop obsédées par le matérialisme et le productivisme pour comprendre que l’état de notre planète est essentiel. Si à l’orée de la cop 21, le «Laudato si» du pape François a reçu un accueil si particulier, c’est qu’il a su trouver les mots justes pour mettre en lumière le lien indissoluble entre la sauvegarde de la planète et le respect dû à ses habitants. Ce texte que je tiens pour l’un des plus importants de ces dernières années, a résonné à mes oreilles comme une merveilleuse incitation à persévérer dans notre travail d’éveil des esprits et des cœurs, en faisant le lien entre la critique de notre modèle de développement et des propositions novatrices pour transformer le quotidien de millions de personnes. Loin d’être le monopole des croyants, c’est notre responsabilité de terriens, précisément sans distinction d’origines, d’obédiences, de religions. Pour que se poursuive la grande aventure de l’humanité, nous devons retrouver l’envie profonde de créer des lendemains meilleurs pour chacun.

Deuxième pilier de mon engagement, mon féminisme s’est construit par mon éducation, mais aussi par la confrontation permanente avec l’idée selon laquelle il n’y aurait que des places subalternes réservées aux femmes. La condition féminine c’est aussi l’apprentissage de l’arbitraire du sexisme et du modèle patriarcal autoritaire. Ne me demandez donc pas d’où vient mon goût de la révolte : je n’ai eu d’autre choix que de refuser l’inacceptable. Mère de quatre enfants je connais bien le sort qui est fait aux femmes, même sous nos latitudes pourtant plus clémentes : l’injonction à choisir entre vie professionnelle et vie familiale, l’assignation à résidence genrée qui nous interdit d’espérer, l’obsession du contrôle de nos corps par autrui qu’il s’agisse de le couvrir ou de le dévoiler. J’affirme donc tranquillement que le féminisme est une force d’émancipation qui, libérant la moitié de l’humanité, affranchit l’autre.

Mes engagements sont anciens. Mes années de militantisme associatif m’ont permis de voir la misère du monde en face en essayant d’améliorer la condition carcérale. J’ai découvert les déterminismes sociaux qui pèsent sur les trajectoires individuelles, et ne laisserai jamais personne les passer sous silence. La justice sociale est une boussole qui a toujours guidé mes choix. Les arcanes de notre vie interne et l’exercice de 6 années de secrétariat national m’ont enseigné le sens de l’écoute et du compromis, le respect de nos décisions communes et aussi la nécessité de notre dépassement pour faire grandir nos idées. Notre participation gouvernementale et mon mandat de députée enfin m’ont permis de connaître les rouages de la décision politique et de la conduite des affaires de la nation. Je mesure le poids de la technostructure et le conservatisme du système, et aucune naïveté ne demeure dans mon esprit concernant les forces de blocage que nous devons affronter pour que notre société amorce enfin le grand virage vers l’écologie dont elle a besoin.

Notre pays peut et doit être pionnier. C’est la perspective que je défendrai dans la campagne qui s’ouvre. Les solutions du passé ne sont plus reconductibles. Mais demain nous appartient. Sur ce point j’ai écrit un livre, formulé des propositions, pris des initiatives, mené des combats.

Nous devons sortir du culte de la croissance pour la croissance et lutter contre la gabegie généralisée de la société de consommation. Je plaide pour que l’impératif climatique soit rendu constitutionnel et que notre République devienne une République écologique, digne des questions soulevées par l’anthropocène. Voila le cap. Je défends l’idée d’une France 100% renouvelable qui sorte enfin de l’hiver nucléaire. Je demande également une réorientation de la politique européenne aux côtés de Yanis Varoufakis pour que l’Europe ne se meure sous les coups de butoirs conjugués des nationaux populistes et des ultra-libéraux qui ne rêvent que du recul de l’état au profit de l’ordo-libéralisme. Je propose un traité environnemental européen pour que notre continent fasse de l’écologie une priorité et une constituante pour que les citoyennes et les citoyens européens se saisissent de leur destin. La priorité donnée à la citoyenneté, qui était également au cœur du mouvement Nuit Debout, est déterminante. Je demande une République nouvelle pour une démocratie augmentée : ensemble des données publiques en open data, proportionnelle, septennat non renouvelable, non cumul des mandats, inversion du calendrier électoral en sont les lignes fortes. Je souhaite aussi renforcer le rôle du parlement, après un quinquennat ou le 49.3 a constitué une arme mise au service du renoncement.

Cette question du rôle du parlement est centrale. Et, une fois encore nous ne devons pas oublier que l’élection présidentielle et les élections législatives qui suivront participent d’une même séquence politique. Ma candidature s’inscrit aussi dans cette logique : créer des passerelles entre les deux campagnes pour s’inscrire avec force dans le cycle qui s’annonce. La présidentielle ne doit pas aspirer toutes les énergies du mouvement au détriment des régions et des élections législatives. Le chantier de la réinvention du mouvement ne doit pas davantage connaître de pause. La présidentielle doit donc être une occasion mise au service de notre cause collective. Je m’y engage et formulerai des propositions précises sur ce point.

Je serai fière de vous représenter dans les batailles à venir. Je prends ma part de notre histoire commune, de nos succès comme de nos échecs. Les derniers mois en particulier ont été douloureux pour l’écologie politique. Les divisions organisées, les débauchages orchestrés, les déceptions mal maîtrisées nous ont considérablement affaiblis. Mais nous devons impérativement relever la tête.

Mon choix n’a pas été dans les années écoulées de chercher l’assentiment des forces dominantes, mais de me dresser contre les pesanteurs, les injustices et la lâcheté qui les rend possible. Dans la dernière période je n’ai pas ménagé mes efforts. En tenant tête aux partisans de l’austérité aveugle et leurs coupes budgétaires indignes, en affrontant les lobbies pour faire baisser le coût des loyers, en ne cédant rien sur Notre dame des landes, en quittant le gouvernement parce que la politique menée tournait le dos à nos engagements et à l’avenir, en soutenant le récépissé contre les contrôles au faciès, en dénonçant le Waterloo moral que constituait l’abandon des réfugiés, en refusant les mensonges officiels sur la mort dramatique d’un jeune homme à Sivens, en défendant notre conception de la République contre la déchéance de nationalité, je me suis fait des ennemis. Mais le silence aurait-il été préférable ? Je ne regrette pas un mot, pas un engagement, pas une mobilisation. La hargne de mes ennemis, je la porte comme une décoration. Je vais là ou me dicte ma conscience, là où m’appellent nos engagements communs.

Défendre pied à pied ces positions ne signifie pas refuser le dialogue. Ma campagne sera aussi une campagne de dialogue avec l’ensemble de celles et ceux que nous devons impérativement convaincre de la justesse de nos positions et de la nécessité de forger de nouvelles alliances civiques pour faire bouger notre pays. Citoyennes, citoyens reprenons nos affaires en main. Nous n’avons rien à attendre d’élites autoproclamées qui ont mené le pays dans l’impasse où il se trouve. Ma campagne se tournera vers les forces vives qui construisent le pays au quotidien. En particulier je compte sur les nouvelles générations pour conduire le redressement écologique dont la France a besoin. Mon équipe de campagne leur fera une large place, sera paritaire, composée de piliers d’EELV de toutes sensibilités, mais surtout ouverte à de nouveaux venus pour élargir notre spectre traditionnel.

Notre campagne doit être un moment de conquête. Soyons donc enthousiastes, ouverts, audacieux, généreux. Et conscients de la gravité de la période.

La France a besoin de concorde, plus que jamais. Députée d’une circonscription touchée par les attentats, je suis intervenue au congrès réuni à Versailles pour dire les valeurs qui doivent nous guider face à la menace terroriste. J’ai voté l’état d’urgence en conscience puis ai refusé sa prolongation infinie sans stratégie ni cap clair pour affronter les moments douloureux que traverse notre pays. Je continuerai à être vigilante pour défendre notre population, notre démocratie et notre vivre ensemble d’un seul tenant parce que la France est un tout, un bloc dont les valeurs ne sont pas négociables et ne peuvent fluctuer au gré des événements. Dans cette campagne je m’opposerai avec vigueur aux xénophobes de tous bords qui ne rêvent que d’attiser la haine.

En particulier, j’affirme que la bataille contre le Front national sera ma priorité. Comme en Autriche, dans l’avenir c’est entre ces forces funestes et les écologistes que se jouera le destin de nos démocraties. Notre responsabilité, dès lors, est de construire une grande force à vocation majoritaire capable de les contenir, de les faire reculer, puis de les battre.

Au moment donc, de désigner la personne qui doit nous représenter dans le débat présidentiel, posez-vous une seule question : qui sera la plus apte ? Qui pourra supporter la mitraille ? Qui tiendra bon contre vents et marées ? Qui ira au bout sans ciller ? Rien ne nous sera donné. Rien ne nous sera épargné. L’espace est mince. Mais il existe.

Pour inventer des chemins nouveaux Il faut savoir résister à la pression du conformisme et à la tentation du découragement. J’y suis prête, instruite par les leçons d’une vie et forte de votre soutien.

Avec foi, Cécile.

La lettre a également été publiée sur le compte Facebook de Cécile Duflot.