Niambouré Macalou ponctue toutes ses phrases de sourires quand il parle du passé. Comme un pied de nez à des années de galères. Originaire du Mali, il a consacré deux années pleines au mouvement des sans-papiers, «sans rentrer un seul soir» chez son frère, qui l'hébergeait alors. Arrivé en France en 1991, à 21 ans, il travaille quelques heures par mois, dans la manutention. Il rejoint le mouvement à ses débuts, le 18 mars 1996. «Je regardais la télé et j'ai vu que des sans-papiers occupaient l'église Saint-Ambroise [Paris XIe, ndlr] pour demander leur régularisation. J'ai constitué un dossier et j'y suis allé.» Quand il arrive, le groupe est déjà expulsé. Il les rejoint et ne repartira plus. «Comme si j'étais drogué au mouvement, je pensais que c'était la seule façon d'obtenir des papiers et de trouver enfin un travail stable», explique-t-il.
Pendant plusieurs semaines, ils enchaînent les occupations, «la seule façon d'exister médiatiquement». Le collectif occupe l'actuelle halle Pajol, dans le XVIIIe arrondissement, au mois de mai. Le gouvernement ne cède pas, le mouvement se durcit. «Ils s'en foutaient qu'on occupe un hangar désaffecté, alors on a pensé à l'église Saint-Bernard, qui est à quelques pas.» Pour masquer leur objectif, les sans-papiers organisent une manif. Arrivés devant l'église, les policiers sont pris de court, le groupe se rue à l'intérieur. Tout de suite, la vie s'organise. Chacun cherche une place où s'installer pour dormir. «Le matin, on faisait le ménage, ensuite on préparait à manger, un seul repas par jour.» Sa famille ne comprend pas ce qu'il fait de ses journées et commence à s'inquiéter : «Ils me disaient que je n'étais pas venu en France pour ça.»
«La période de l'occupation de Saint-Bernard était interminable», raconte Niambouré Macalou. Comme beaucoup, il reste marqué par le jour de l'évacuation, les coups de hache et les lacrymos. «Je me dis que la lutte est finie. Ils proposent à ceux qui le souhaitent d'être conduits en centre de rétention et expulsés. J'accepte. J'avais honte de rentrer, d'avoir échoué, d'avoir gâché l'argent de mon frère.»Il n'est finalement pas expulsé, sans trop savoir pourquoi. Les occupations se poursuivent. Beaucoup obtiennent une régularisation, pas lui. «Je faisais partie des cas difficiles, je n'étais pas là depuis assez longtemps», explique-t-il. Il obtient finalement un titre de séjour en 1998, trouve un emploi dans la foulée. Depuis 2001, il travaille dans des hôtels luxueux pour faire le ménage. A sa retraite, il ne se voit pas rentrer au Mali. «Ici, c'est chez moi.»