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Burkini

Au Conseil d’Etat, droit, plage et vagues

Burkini, une polémique françaisedossier
La décision des juges, qui ont examiné jeudi les arguments juridiques d’un des arrêtés anti-burkini, sera rendue ce vendredi.
publié le 25 août 2016 à 20h51

Pascale Leglise aurait sûrement préféré être à la plage plutôt qu'au Conseil d'Etat. Jeudi, la représentante du ministère de l'Intérieur n'a pas vraiment clarifié la position du gouvernement lors d'une audience en référé consacrée à l'arrêté «anti-burkini» de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes). «Vous êtes neutre, donc, que ce soit bien clair ?» a demandé Me Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme (LDH), requérante au côté du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Pascale Leglise hoche la tête sans un mot. Un petit oui donc. Plus tôt, elle s'était prononcée du bout des lèvres : oui, la liberté religieuse doit être «protégée», mais «ce droit n'est pas absolu».

Bernard Stirn, président de la section du contentieux, a lancé l'audience par une question : «Le maire a-t-il manifestement excédé ou non ce qu'il doit faire dans le cadre de ses pouvoirs de police ?» Face à la nervosité provoquée par ces arrêtés, Patrice Spinosi a demandé aux trois juges chargés de l'affaire de «s'abstraire de toute polémique politique» afin de rester sur le droit pur : «Il ne faut pas se leurrer, votre décision fera jurisprudence.» Car en visant les personnes ne portant pas une tenue «conforme aux bonnes mœurs et à la laïcité», l'arrêté permet de verbaliser aussi bien le port du burkini que celui du voile. Sur la laïcité, il a rappelé qu'«elle n'a jamais eu vocation à s'appliquer dans l'espace public». Sur l'étoffe concernée : «Le burkini en réalité est un voile porté sur une tenue courante adaptée pour la baignade.» Par conséquent, valider un tel arrêté ouvrirait la porte à une interdiction du voile dans tout l'espace public, a complété Sefen Guez Guez, avocat du CCIF. Reste l'argument du trouble à l'ordre public : Me Spinosi a estimé qu'à Villeneuve-Loubet «on nous demande de croire sans le voir».

Y avait-il ou non des femmes en burkini sur les plages de la commune avant l'arrêté ? Oui, répond le maire (LR) Lionnel Luca, par la voix de son avocat François Pinatel, mais sans avancer de preuves. Sa prise de parole, rapide, s'est concentrée sur des questions de forme. Selon lui, la procédure de «référé-liberté» n'était pas adaptée pour traiter «une question à ce point difficile». Il a reconnu que la mesure est «attentatoire aux libertés». Mais cette réduction des libertés se justifie, selon lui, par le fait qu'il «y a dans cette région un climat de tension absolue» à la suite de l'attentat de Nice. Sur le cas plus spécifique de Villeneuve-Loubet, Me Pinatel a reconnu que l'arrêté était «maladroitement écrit» et qu'il fallait comprendre la référence à la laïcité au-delà de sa définition juridique. Un assesseur lui a ensuite demandé quelle était la zone géographique exacte de l'infraction, l'arrêté ne faisant référence qu'à la baignade : «Donc les policiers verbalisent dans l'eau ?» La décision du Conseil d'Etat est attendue à 15 heures ce vendredi. Il devra dire s'il y a bien eu «une atteinte grave et manifestement illégale» à une liberté fondamentale.