«J'ai (encore) changé», pourrait dire l'ancien président de la République, désormais candidat à la primaire de la droite pour la prochaine présidentielle. Dans son livre-programme, Tout pour la France, paru mercredi, Nicolas Sarkozy fait, sur le plan économique et social, des propositions qui, malgré certaines ressemblances, restent assez différentes d'il y a dix ans. Sur certains points, elles apparaissent même en opposition avec la politique menée lors de ses cinq ans passées à l'Elysée.
Durée du travail
Point phare de sa campagne de l'époque, le slogan «travailler plus pour gagner plus» s'était traduit, pour les salariés, par une défiscalisation et une exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, c'est-à-dire des heures effectuées au-delà de la durée légale. Non seulement Nicolas Sarkozy n'avait pas touché aux 35 heures, mais il avait parachevé la réforme de Martine Aubry, en alignant, pour les salariés des PME, la majoration des heures sup' sur celles des grandes entreprises, soit 25% au lieu de 10%. Sarkozy pour 2017 propose bien de défiscaliser à nouveau les heures sup', mais avec une différence de taille: cette fois, il fait sauter les 35 heures. Et même toute durée légale applicable à tous. «Il n'y aura pas de durée unique du travail hebdomadaire. Chaque entreprise aura désormais le droit de déterminer librement le temps de travail de ses salariés, et donc le moment où l'on passera des heures normales aux heures supplémentaires», écrit-il dans Tout pour la France. La tentation sera alors grande, pour l'employeur, d'augmenter au maximum ce seuil de déclenchement des heures sup, afin d'en limiter - voire d'en supprimer - le paiement majoré. Qu'elles soient défiscalisées ou non n'aura alors plus grande importance.
Impôt sur le revenu
Sarkozy président n’avait pas vraiment malmené l’impôt sur le revenu (IR), seul impôt progressif (avec l’ISF) dans le système fiscal français. Il avait même renforcé sa position: après avoir rehaussé la tranche marginale de 40 à 41%, il avait créé une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, de 3% entre 250 000 euros et 500 000 euros, et de 4% au-dessus. Sarkozy candidat a tourné casaque, et propose d’abaisser de 10% toutes les tranches de l’impôt sur le revenu, pour un manque à gagner qui pourrait atteindre 7 à 8 milliards d’euros pour les caisses de l’Etat.
ISF et successions
Ce fut le sparadra du président Sarkozy durant tout son mandat : le bouclier fiscal, qui limitait à 50% des revenus le montant total des impôts dus par un contribuable. Il fut même contraint de le supprimer en fin de mandat, tout en l’accompagnant, certes, d’un fort rabotage du barème de l’ISF. Sarkozy candidat n’a plus les mêmes scrupules : c’est fois-ci, c’est l’ensemble de l’ISF qui passerait à la trappe. Soit quelque 5 milliards d’euros, rétrocédés aux plus aisés. Quant à l’abattement sur les successions en ligne directe, qu’il avait fait passer de 50 000 euros à 150 000 euros (et que Hollande a timidement redescendu à 100 000 euros), il serait carrément porté à 400 000 euros.
Partage des richesses
Le président Sarkozy avait le souci du salarié. Outre les heures sup défiscalisées, il avait prôné durant son mandat (mais sans l'avoir mis en œuvre), l'idée d'un partage en trois tiers des bénéfices des entreprises, entre salariés, entreprises, et actionnaires. Pour le candidat Nicolas, toute la barque sera chargée du même côté : «Toute notre politique économique devra désormais être focalisée pour et sur les entreprises». Dès lors, «ce qui est bon pour elles devra être systématiquement privilégié». L'une des premières mesures en cas de victoire en 2017 devrait d'ailleurs consister à rajouter 34 milliards d'euros de baisses de cotisations dans les corbeilles patronales, en plus de 40 milliards de baisses de prélèvements accordées par Hollande. A la toute fin de son mandat, Sarkozy avait fait voter une loi (annulée par Hollande), programmant une baisse de 13 milliards seulement. Et en 2007, il envisageait même de conditionner les baisses de charges à des hausses de salaires…