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Analyse

Hamon : «Je ne vais pas jouer le bonobo de la Ve République»

À Saint-Denis, le député des Yvelines lance sa campagne pour la primaire à gauche. Avec un premier objectif : démontrer que sa candidature est différente de celles de Montebourg ou Mélenchon.
Benoît Hamon et Arnaud Montebourg à Frangy-en-Bresse, le 24 août 2014. (Photo Jeff Pachoud. AFP)
publié le 28 août 2016 à 8h38

Son entourage en est persuadé : si le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a organisé ce week-end un «séminaire de rentrée» pour ses cadres et fixé un discours ce dimanche midi, c’est pour faire de l’ombre à Benoît Hamon. A la même heure, l’ex-ministre de l’Education, désormais candidat déclaré à la primaire à gauche, interviendra devant ses troupes, pour conclure deux jours de «rassemblement pour gagner en 2017», organisé à Saint-Denis. Les affiches «Benoît Hamon 2017» en rose et bleu ont déjà été collées aux abords du stade de France. Sa «lettre aux Français», tirée à 300 000 exemplaires doit commencer à être diffusées par ses troupes dès lundi sur les marchés, aux sorties d’écoles, aux abords des facs.

Une semaine après le discours remarqué de son ex-camarade de gouvernement, Arnaud Montebourg, à Frangy-en-Bresse, Hamon passe la seconde pour rattraper son retard sur l'ancien ministre de l'Economie et garder une chance d'incarner «l'alternative» à la politique de François Hollande et Manuel Valls. Il faut dire que le sondage Ipsos commandé en secret par le Parti socialiste et révélé cette semaine par le Point et qui place Montebourg comme adversaire numéro 1 du chef de l'Etat n'aide pas l'ex-porte parole du PS à se faire sa place dans cet espace politique occupé par l'ancien locataire de Bercy et Jean-Luc Mélenchon. «C'est un sondage qui date de juillet et Benoît n'était même pas candidat!», répond-on dans l'entourage d'Hamon. Un autre de ses proches avertit la garde rapprochée de Montebourg : «Ils veulent tuer dans l'œuf la candidature de Benoît, ils ont tort. Ça ne marchera pas.»

«Hollande peut être battu»

Le député des Yvelines accuse un retard de notoriété sur Montebourg et il le sait : «Ce sondage montre surtout que Hollande peut être battu, répond-il. Mais je ne pense pas qu'il puisse être battu sur la ligne d'Arnaud. Hollande peut être battu et je vais le battre.» On lui oppose qu'il fait moins «crédible». «Oui, je pars avec du retard dans les sondages en termes de notoriété. Soit. Mais mon programme est plus rassembleur», répond-il. Il a prévu, ce dimanche dans son discours, de citer Victor Hugo : «Un lion qui imite un lion est un singe.» «Je ne vais pas jouer à faire président, rétorque-t-il. On nous invite, pour être crédible, à singer de Gaulle. Je ne vais pas jouer le bonobo de la Ve République qui fait des grimaces. Le feu qui m'anime n'est pas un feu narcissique.»

Ce dimanche, il entend également rappeler les axes sur lesquels il va faire campagne : «nouveau modèle de développement», Europe, question sociale, VIe République… «La gauche claire, la gauche sans équivoque», vend son porte-parole, le député de la Loire, Régis Juanico. Objectif premier : se démarquer de Jean-Luc Mélenchon et d'Arnaud Montebourg, partis avant lui, et prouver que sa candidature sert à quelque chose.

Mélenchon a expliqué qu'il «travaill(ait) pour (lui)»? «Pour quel salaire?» plaisante-t-il. Il l'attaque sur la position de Mélenchon dans le débat sur le burkini (une «provocation», a-t-il dit) : «Je ne méprise pas la question identitaire mais quand on estime que la question nationale est semblable à la question sociale, c'est un problème […] J'ai entendu Mélenchon sur cette question et je n'ai absolument pas entendu Arnaud Montebourg». «C'est une candidature pour aller jusqu'au bout. Ce n'est pas un tour de piste», prévient Juanico. Et ce même si les candidatures «alternatives» à Hollande se multiplient. Outre Montebourg, la sénatrice de Paris, Marie-Noëlle Lienemann et l'ancien inspecteur du Travail, Gérard Filoche sont sur les rangs. Proche d'Hamon, l'eurodéputé Guillaume Balas en appelle à l'unité. Mais pas avant d'avoir vu les «projets» de chacun se «confronter».

Une société «métissée, mélangée»

Hamon compte se démarquer - notamment - sur les questions de vivre-ensemble et de lutte contre les discriminations. Revendiquer une société «métissée, mélangée» là où Montebourg reste très discret sur le sujet et Mélenchon, sur la question de l'islam et l'accueil des réfugiés, cultive depuis quelques mois l'ambiguïté. Pour prouver que son offre politique est différente de celle de l'ex-ministre de l'Economie, il se dit en opposition avec sa proposition d'un retour au service militaire obligatoire et compte, lui, «avancer» sur la réduction du temps de travail, des «formes alternatives en entreprise» ou la lutte contre le réchauffement climatique.

Il ne fera pas tout de suite de chiffrage de son programme. Trop tôt. Il critique «l'approche colbertiste» et «souverainiste» de Montebourg. Tout comme sur l'Europe : «Il manque les alliances, l'agenda, la méthode». «On va voir les idées qu'il mettra dans la campagne», dit Hamon. Même s'il n'a «pas confiance a priori dans la direction du PS» pour organiser loyalement cette primaire, il assume d'avoir choisi ce mode de désignation. Même si ses troupes - et même ses proches - ne s'imaginent pas voter Hollande si ce dernier venait à l'emporter. «Je n'ai pas de réponse, lance Balas, au micro. Oui, il y a un pari et ce pari c'est qu'on peut le battre». Son entourage s'interroge tout de même sur la «neutralité» supposée du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Et son entourage de s'interroger sur le meeting sur la République lundi à Colomiers (Haute-Garonne), organisé par la majorité : «Qui paie?» demande un proche d'Hamon. Preuve que ce début de campagne pour la primaire à gauche est loin de se faire dans une grande sérénité.