Auprès de ses fans rassemblés samedi au Touquet (Pas-de-Calais), Nicolas Sarkozy a trouvé ce qu'il était venu chercher : une confiance inébranlable et une indifférence sincère aux nombreuses enquêtes qui suggèrent que son été retentissant n'aurait pas eu les effets espérés. Le matin même un sondage Odoxa pour Le Parisien indiquait que pour les deux tiers de Français, Sarkozy avait raté son entrée en campagne. Pire encore, cette enquête donne toujours à Juppé 10 points d'avance au premier et 20 points au second tour de la primaire
«Les sondages ? Nous on en a d'autres. La campagne ne fait que commencer», balaie Valérie militante LR. Avec des centaines d'autres militants, elle avait été invitée à la séance de dédicaces du dernier livre du candidat, Tout pour le France, avant d'entendre son discours, le soir, dans un gymnase que la canicule a transformé en marmite bouillante. Venue de Dieppe elle a fait plus de deux heures de route pour avoir sa deuxième signature. Il y a six mois, elle était déjà montée à Lille pour se faire dédicacer La France pour la vie
«A cran»
Auprès de ces inconditionnels, capable de patienter deux heures sous une chaleur accablante pour une signature, l'ancien chef de l'Etat se rassure. Si toutes ces enquêtes tardent à mesurer les effets de son entrée officielle en campagne après ses fortes paroles de cet été sur le terrorisme et le communautarisme, c'est que la mobilisation du peuple derrière Sarkozy ne fait que commencer. Ce peuple, largement séduit par Marine Le Pen, l'ancien chef de l'Etat a décidé de lui parler dans les fiefs du FN : il a commencé jeudi dans les Bouches-du-Rhône, à Châteaurenard, il enchaîne avec le Pas-de-Calais ce week-end.
Dans la foule sarkozyste, on ne veut évidemment pas entendre parler du maire de Bordeaux qui faisait sa rentrée le même samedi à Chatou (Yvelines). «Trop à, gauche, pas assez nerveux», s'emporte Robert, commerçant à Calais. Il explique qu'il n'en peut plus des migrants qui tournent autour de sa maison, qui le réveillent la nuit: «Ils sont 10 000, ils bloquent l'autoroute la nuit. On est à bout, ça va péter.» Et qu'on n'aille pas faire observer qu'entre 2002 et 2012, Nicolas Sarkozy n'a pas fait de miracles quand il a été confronté au problème de Calais. «Quand il signe l'accord du Touquet de 2003, Sarkozy n'est que ministre de l'Intérieur le patron c'était le Premier ministre, c'était Raffarin», proteste Valérie. Elle aussi, elle est «à cran»: «Je me suis fait cracher dessus par un intégriste qui trouvait que ma jupe était trop courte».
Dans son discours, Nicolas Sarkozy n'hésitera pas à demander que la France dénonce sur le champ l'accord de 2003. Comme Xavier Bertrand, le président LR de la région Hauts-de-France, il exige que les demandes d'asile soient désormais traitées outre-Manche, afin que les Anglais «organisent des charters pour renvoyer chez eux les gens dont ils ne veulent pas".
«Mouche tsé-tsé»
S'ils veulent bien entendre que leur champion n'a pas toujours été d'une efficacité incontestable, les supporters de l'ancien chef de l'Etat le mettent volontier au compte de la «mollesse» de ceux qui gouvernaient avec lui et le combattent aujourd'hui dans le primaire. Devant les 2000 personnes venues l'entendre dans la soirée, Sarkozy a d'ailleurs été particulièrement virulent contre ses ex-ministres. Se posant en garant de «l'unité de la famille», il a implicitement fait passer ses concurrents pour des «diviseurs» : «Ceux qui divisent seront balayés» a-t-il promis, sous les hourras de la foule.
Une fois de plus, le candidat à longuement célébré son bilan de rassembleur, à la tête d'un parti déchiré par les haines et les ambitions personnelles. Passant naturellement sous silence l'affaire Bygmalion qui a précipité son retour à l'été 2014, il s'est moqué de François Fillon et de Jean-François Copé, «piqués par la mouche tsé-tsé de la division» en 2012. Il a raillé l'inefficacité et le manque d'autorité du triumvirat Juppé-Fillon-Raffarin, qui a assuré l'intérim à la tête de l'UMP de juin à novembre 2014.
Le candidat Sarkozy veut démontrer qu'il ne joue pas dans la même cour que ses concurrents. C'est ce qu'il explique à longueur de discours devant des foules déjà archi-convaincues . «La politique ce n'est pas un examen, c'est un concours. Si vous vous lancez dans la compétition quand il y a un Teddy Riner en face, vous êtes mort» explique le maire de Tourcoing Gérald Darmanin, récemment rallié à l'ancien chef de l'Etat. Eloquente illustration de l'inébranlable foi des sarkozystes.