Plus de dix ans après la création par Dominique de Villepin de la Fondation des œuvres de l'islam de France, mort-née en 2005, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a relancé lundi le chantier de la construction d'un «islam de France». Toute la journée, les représentants du Conseil français du culte musulman (CFCM), des personnalités de la société civile ainsi que l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, qui va prendre la tête de la nouvelle structure, ont défilé place Beauvau. Le rendez-vous était attendu, après un été marqué par les attentats jihadistes de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray, et par la polémique autour du burkini. «Le moment est historique», a souligné Bernard Cazeneuve, qui n'a cessé de marteler un message double. «L'islam de France doit amplifier son engagement pour la patrie», mais, dans le même temps, «la République a vocation à prendre dans ses bras tous ses enfants, quelle que soit leur origine ou leur confession». Parmi les mesures annoncées, plusieurs émanent du rapport de la mission d'information sénatoriale qui a planché sur le sujet et rendu ses conclusions début juillet. Sa rapporteure, la sénatrice (UDI) Nathalie Goulet, salue d'ailleurs un «plan d'ensemble cohérent», loin d'un «concours Lépine décousu».
De quoi Jean-Pierre Chevènement va-t-il s’occuper ?
L'ancien ministre de l'Intérieur présidera une fondation d'utilité publique pour favoriser l'émergence d'un islam de France. Laïque, celle-ci n'aura pas d'objet cultuel, mais culturel. Parmi ses missions, «la formation profane des imams, le soutien à la recherche en islamologie, le financement d'expositions», en clair, «tous les projets utiles à une bonne insertion de l'islam dans la société française», comme l'a expliqué Bernard Cazeneuve. Des représentants de l'Etat et du CFCM siégeront à son conseil d'administration, ainsi que des personnalités telles que l'écrivain Tahar Ben Jelloun, l'islamologue réformateur Ghaleb Bencheikh, le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, ou encore l'entrepreneure Najoua Arduini-Elatfani.
Quel financement pour les lieux de culte musulmans ?
C'est la principale innovation du plan gouvernemental. Au cours des prochains mois, une association cultuelle (loi de 1905) devrait voir le jour. Elle sera dirigée par un Français musulman, et, laïcité oblige, l'Etat n'en sera pas partie prenante. Car l'organisme sera chargé de favoriser la recherche de financements pour la construction de mosquées et la formation théologique des imams. Les fonds étrangers seront proscrits. Il s'agit, selon Bernard Cazeneuve, de créer un «modèle vertueux» à partir de ressources issues notamment d'une «contribution volontaire» de la filière halal et de celle des pèlerinages à La Mecque. Le principal défi de cette structure résidera dans l'équilibre entre les différents responsables musulmans français. «Nous prendrons beaucoup de soin à éviter la paralysie à cause d'intérêts concurrents», a glissé le ministre de l'Intérieur.
Quid de la formation des imams et des aumôniers ?
Des imams formés à l'étranger et ne parlant pas français : c'est à cette situation que les pouvoirs publics espèrent, peu à peu, mettre fin. Si Bernard Cazeneuve a écarté l'idée de lancer une faculté de théologie musulmane à Strasbourg (où s'applique le régime concordataire), il souhaite en revanche «renforcer l'offre universitaire dans les matières non-confessantes en complément des formations théologiques». L'objectif, à terme : nouer des partenariats avec les instituts de théologie privés, afin de parvenir à une formation «d'excellence».