Malgré le désaveu infligé par le Conseil d'Etat à leur collègue de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), ils ont maintenu leurs arrêtés «anti-burkini» : les maires de Nice, Fréjus, Menton et Roquebrune-Cap-Martin, quatre villes situées sur la Côte d'Azur, devront s'en expliquer devant les tribunaux mardi et mercredi. Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a en effet déposé des référés-libertés pour contester ces arrêtés, a annoncé ce lundi l'avocat Sefen Guez Guez.
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Les audiences sont attendues devant le tribunal administratif de Toulon mardi à 14 h 30 dans le cas de Fréjus, et mercredi à 10 heures devant le tribunal administratif de Nice pour Menton, Roquebrune et Nice.
Concernant le tribunal administratif de Nice, c'est la première fois qu'il aura à juger à nouveau des recours contre ces arrêtés, après avoir vu sa décision invalidée par le Conseil d'Etat dans le cas de Villeneuve-Loubet. Vendredi, le Conseil d'Etat a estimé que l'arrêté de la commune a porté «une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle» en interdisant l'accès à la baignade aux personnes ne portant pas des «tenues respectueuses des bonnes mœurs et de la laïcité». Une formulation qui avait été appuyée par le tribunal administratif de Nice, lequel avait avancé que «les plages ne constituent pas un lieu adéquat pour exprimer de façon ostentatoire ses convictions religieuses» et qu'«elles n'ont pas vocation à être érigées en lieu de culte et doivent au contraire rester un lieu de neutralité religieuse».
Ces arguments évacués, seul un trouble à l'ordre public avéré aurait pu justifier l'arrêté, ont estimé les juges du Conseil d'Etat. Mais encore eût-il fallu, d'abord, que l'arrêté soit proportionné au trouble. Or, la réalité de ce trouble n'a jamais été attestée par la commune, qui s'est bornée à assurer que «pléthore» de femmes en burkinis fréquentaient la plage avant l'arrêté.
Arguant par ailleurs du choc subi par la région lors de l'attentat du 14 juillet à Nice, le tribunal administratif de Nice a été, sur ce point, contesté par le Conseil d'Etat, qui a estimé que «l'émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d'interdiction contestée».
Un débat qui n'est «pas épuisé»
Ces nouvelles audiences sont attendues alors que le débat politique autour du burkini a franchi un cap supplémentaire à la suite de la décision du Conseil d'Etat, une partie de la droite demandant un changement législatif sur le sujet. Et puisque ce changement législatif nécessiterait un changement constitutionnel, un candidat à la primaire de droite comme Nicolas Sarkozy a très simplement déclaré ce matin, sur RTL : «Eh bien, on change la Constitution ! On l'a changée une petite trentaine de fois, c'est pas gênant. La question qui est posée : est-ce que c'est la société qui s'adapte au droit, ou le droit à la société ?» Problème : il ne s'agirait pas de modifier la Constitution à la marge, mais bien de revoir son article premier, qui garantit la liberté de croyance et l'égalité des citoyens.
Du côté gouvernemental, le Premier ministre, Manuel Valls, qui avait soutenu les arrêtés, a réagi vendredi soir en prenant acte de la décision du Conseil d'Etat, mais en estimant que le débat n'est «pas épuisé». «C'est un débat de fond, qui vient après d'autres : il y a trente ans, la question du foulard dans les écoles, puis la loi de 2004 sur le port de signes religieux, et celle de 2010 sur le voile intégral dans l'espace public», a-t-il écrit sur Facebook.
Dans un entretien à La Croix, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a souligné qu'«une loi serait inconstitutionnelle, inefficace, et de nature à susciter des antagonismes et d'irréparables tensions».