Son prédécesseur à Bercy, Arnaud Montebourg, se voulait l'homme du «redressement productif» et du «made in France». Ministre de l'Economie deux ans durant, Emmanuel Macron aura été tout à la fois l'homme de la loi libéralisant les autocars et le travail du dimanche, un banquier d'affaires veillant aux intérêts patrimoniaux de l'Etat actionnaire, et un pompier tentant de remettre en ordre de marche «une équipe de France du nucléaire» en pleine déroute.
A peine installé dans ses habits de ministre en août 2014, Emmanuel Macron, en social-libéral convaincu, se donne pour priorité de «restaurer la confiance» des investisseurs et des entrepreneurs. Ce sera tout l'objet de la loi Macron, officiellement intitulée «pour l'activité, la croissance et l'égalité des chances économiques». Promulgué en août 2015, ce texte fleuve aux allures de catalogue à la Prévert s'inspire des travaux de la commission Attali, dont il fut le rapporteur. Au programme : extension du travail du dimanche, réforme des prud'hommes, dérégulation des professions réglementées comme celles des notaires, libéralisation du transport par autocars… Cette mesure, la plus visible de sa loi, va permettre d'offrir aux usagers un moyen de transport plus économique que le train, mais n'a créé pour l'heure que 1 500 emplois à tout casser selon une étude de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. La révision de la carte des notaires doit, elle, permettre l'installation de 1 650 nouveaux libéraux d'ici 2018 et favoriser la concurrence. Enfin, la réforme du permis de conduire doit se traduire par 2 000 nouveaux centres d'examen et une baisse des tarifs. Mais l'impact de la loi Macron sur l'économie française reste limité : l'OCDE l'a chiffré à 0,3 point de PIB supplémentaire sur cinq ans. Car sur le front de la relance de la consommation, l'ouverture des commerces le dimanche n'a eu qu'un impact limité : de grandes enseignes y sont passées (BHV, Darty…), mais d'autres, comme la Fnac, n'ont pas sauté le pas en raison de fortes résistances syndicales. Ami des entrepreneurs, Macron a aussi ravi les créateurs de start-up en facilitant l'attribution d'actions gratuites avec abattements fiscaux. Mais le ministre qui déclarait en novembre 2015, lors d'un grand raout à Bercy, qu'«il faut être en capacité de financer les start-up très vite et très fort», n'aura pas vraiment propulsé la French Tech.
L'énarque Macron aura finalement été plus visible dans son costume de ministre de l'Industrie. En arrivant à Bercy, il trouve un dossier explosif sur son bureau : plombé par le chantier maudit de l'EPR finlandais, le «champion» de l'atome Areva est en quasi-faillite avec une perte abyssale de 5 milliards d'euros pour 2014. Il échafaude alors, début 2015, un plan Orsec : l'Etat s'engage à recapitaliser Areva jusqu'à 5 milliards d'euros si le mauvais élève accepte de céder son activité réacteurs à EDF pour 2,5 milliards. Mais patatras, voilà que l'électricien, empêtré dans la construction de l'EPR de Flamanville, est lui-même rattrapé un an plus tard par de gros soucis financiers. Rebelote, l'Etat actionnaire va devoir injecter 3 milliards d'euros pour aider le groupe. Une aide vitale car EDF est censé investir 17 milliards dans le projet des deux EPR britanniques d'Hinkley Point. Mais comment voler au secours de toute la filière nucléaire quand les caisses sont vides ? Pour Macron, la solution est toute trouvée : taper la Caisse des dépôts, invitée à racheter 49 % de RTE, la filiale réseau d'EDF.
Début 2016, un autre dossier mobilise le ministre : Orange est sur le point de racheter Bouygues Telecom. Mais Martin Bouygues est gourmand : il veut 15 % du capital de l'opérateur historique en échange de son bébé, ce qui en ferait le deuxième gros actionnaire derrière l'Etat. Macron va s'avérer soucieux des intérêts patrimoniaux au point de faire capoter l'affaire, faute d'accord avec Bouygues. Dur en affaires, il le sera aussi avec le patron de Renault, Carlos Ghosn, à qui il s'oppose violemment sur la question des droits de vote double de l'Etat au capital du constructeur automobile. Le conflit atteint son paroxysme quand le ministre menace de «légiférer» contre la rémunération pharaonique de Ghosn (7,2 millions d'euros) validée par le conseil de Renault, malgré le veto de l'AG des actionnaires. Macron jugera aussi «indécent» le parachute doré de Michel Combes, censé partir avec 14 millions d'euros après avoir vendu Alcatel à Nokia. L'intéressé empochera finalement la moitié après l'intervention des déontologues du Medef. Car en matière de salaires des patrons, la ligne Macron reste «l'autorégulation». En revanche, il aura affiché un soutien sans failles à l'ex-patron d'Air France, Alexandre de Juniac, tout au long du conflit qui a touché la compagnie. Allant jusqu'à qualifier de «stupides» les syndicalistes mis en cause dans l'affaire de la «chemise arrachée». Fervent supporteur de la loi travail, il conseillera enfin à deux opposants en tee-shirt de «travailler» pour «se payer un costard».