Deux études présentées ce week-end à Berlin ont reconnu l'efficacité - sous certaines conditions -du baclofène comme remède à la dépendance à l'alcool. En France, la popularité de ce médicament, disponible depuis 1975, a explosé en 2008 avec la parution du livre le Dernier verre, d'Olivier Ameisen. Ce cardiologue alcoolique, décédé en 2013, racontait comment il avait supprimé son envie de boire en prenant du baclofène à haute dose.
A l’origine, cette molécule, commercialisée sous le nom de Liorésal, agit comme un myorelaxant au niveau de la moelle épinière, favorisant la décontraction des muscles squelettiques. C’est pour cette indication qu’il a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM).
Hors cadre. A la sortie du livre d'Olivier Ameisen, le médicament a été massivement prescrit hors de son autorisation officielle. En 2014, l'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) lui accorde une RTU (recommandation temporaire d'utilisation) qui permet de le prescrire hors du cadre de son AMM. En parallèle, des études cliniques sont lancées pour obtenir l'autorisation de sa mise sur le marché dans la prise en charge de l'alcoolisme.
A Berlin, le professeur Michel Reynaud, président du Fonds actions addictions, a présenté l'étude Alpadir, menée sur sept mois avec 320 patients répartis en deux groupes. Ce travail visait à évaluer d'abord le maintien d'une abstinence totale pendant vingt semaines, puis la réduction de la consommation d'alcool. Pour l'abstinence, aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes (11,9 % d'abstinents sous Baclofène contre 10,5 % sous placebo). Quant à la baisse de consommation, elle était plus importante dans celui traité par baclofène, et encore plus marquée chez les buveurs à haut risque (plus de quatre verres par jour pour les femmes, plus de six pour les hommes). L'essai Bacloville a lui été réalisé sur 320 malades, fragiles psychologiquement et physiquement. Objectif : comparer l'efficacité et la sûreté du baclofène à fortes doses (jusqu'à 300 mg/j) à celles du placebo, au bout d'un an. Le professeur Philippe Jaury, coordonnateur de l'essai, a révélé des «résultats préliminaires» démontrant «56,8 % de succès» (abstinence ou réduction de la consommation d'alcool) pour le groupe prenant du baclofène «contre 36,5 %» dans celui du placebo. Des décès ont été signalés dans cet essai. «L'alcool tue quelque 50 000 personnes par an, a précisé le professeur Reynaud. Ses dangers mortels sont à prendre en compte pour mesurer les risques et bénéfices du médicament.»
Autorisation. Le laboratoire Ethypharm, propriétaire du produit, attend les résultats complets de Bacloville pour finaliser son dossier de demande d'AMM. Enfin, les résultats d'une étude sur les effets indésirables du baclofène, commandée par l'ANSM) à l'Assurance maladie, sont attendus fin 2016.