Il y aura bien un cadeau fiscal en faveur des classes moyennes. Après deux semaines d'âpres discussions entre l'Elysée, Matignon et Bercy, l'exécutif a finalement arrêté la nature de la baisse d'impôts que François Hollande avait fait miroiter aux Français le 17 mai. Si l'arbitrage ultime interviendra jeudi matin lors d'un tête-à-tête entre François Hollande et Manuel Valls, le gouvernement devrait, selon nos informations, faire porter pour la troisième année consécutive son effort sur l'impôt sur le revenu. Comme l'annonce le quotidien les Echos ce mardi, il ne s'agirait pas de modifier le barème de l'impôt mais plutôt d'accorder une remise forfaitaire aux contribuables en deçà d'un certain seuil de revenu, une remise qui pourrait être inscrite dans le code des impôts et donc pérennisée. Pour le gouvernement, le procédé présente deux avantages : il lui permet de mieux cibler la mesure, et donc d'en limiter le coût.
Car l'exercice gouvernemental est cette année encore très contraint. Le 17 mai, le chef de l'Etat avait d'ailleurs conditionné sa promesse de baisse d'impôts à «l'existence de marges de manœuvre budgétaires» et donc une «perspective de croissance de 1,7% en 2017». Or ces dernières sont beaucoup plus limitées qu'espéré. Mi-août, l'Insee a en effet confirmé ce que redoutait Bercy : après un premier trimestre dynamique (+0,7%), la croissance française a connu un coup d'arrêt brutal au deuxième trimestre (0%). Avec le Brexit, le gouvernement a perdu ses dernières illusions sur la vigueur à attendre de l'économie. S'il espère encore tenir son objectif d'une croissance du PIB de 1,5% en 2016, il a déjà révisé à la baisse ses attentes pour 2017 (à 1,5%).
«Rendre du pouvoir d’achat aux Français»
Dès lors, Bercy freine des quatre fers sur les baisses d'impôts. Pour le ministre des Finances, Michel Sapin, la priorité doit aller au «respect scrupuleux» des engagements en matière de réduction des déficits publics «qui ne sont pas vis-à-vis de l'Europe mais vis-à-vis des Français». Selon l'entourage du ministre, la marge de manœuvre est donc très faible : «Quelques centaines de millions d'euros», confiait jeudi dernier son entourage. Manuel Valls ne l'entend pas de cette oreille. Dès le 25 août, le Premier ministre annonce publiquement son intention de baisser l'impôt sur le revenu dans le cadre de la loi de finances 2017 examinée à l'Assemblée nationale à compter du 27 septembre. Pour le Premier ministre, cette baisse-là est non seulement plus visible qu'une baisse de la CSG des retraités envisagée par Bercy mais aussi politiquement plus lisible.
Ce mardi sur RTL, Manuel Valls a semblé avoir entendu les inquiétudes de Bercy. Il a confirmé que la remise sera moins importante qu'attendue compte tenu de la conjoncture : «Nous devons contenir cette somme», a expliqué le Premier ministre avant de répéter vouloir «rendre du pouvoir d'achat aux Français», sans plus de détails. «Les arbitrages ne sont pas encore rendus», a-t-il insisté. Ils le seront, selon Valls, «au retour du président de la République, de Chine et du Vietnam, c'est-à-dire jeudi». Lors d'un petit-déjeuner entre le chef de l'Etat et son Premier ministre avant le conseil des ministres.
Cependant, les entourages ministériels s'inquiètent d'un éventuel télescopage de calendrier. Une annonce fiscale ce jeudi risque en effet de parasiter le discours de rentrée politique du chef de l'Etat, sur des thèmes régaliens (sécurité, «Etat de droit»…) et «républicains» (école, défense du modèle social…), salle Wagram à Paris, à l'occasion d'un colloque de la Fondation Jean-Jaurès intitulé «La démocratie face au terrorisme». «Il ne faut pas qu'il y ait d'annonces» dans ce discours, fait savoir un fidèle de Hollande, pour ne pas parasiter le message présidentiel censé marquer la rentrée politique du chef de l'Etat. L'annonce d'une baisse d'impôts pourrait du coup n'avoir lieu que le lendemain.