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Libération
Edito

Macron danse avec les «stars» en banlieue

Emmanuel Macron, le 30 août, à Paris. (Photo Matthieu Alexandre. AFP)
Publié le 07/09/2016 à 19h21

«Ma question préférée : qu'est-ce j'vais faire de tout cet oseille ?» nargue souvent le rappeur Booba. Emmanuel Macron, lui, promet la fortune aux aspirants slumdog millionnaires. Lundi matin, l'ancien ministre de l'Economie était en Seine-Saint-Denis pour parler emploi, formation et entreprises. Il est le bienvenu dans un département en proie au chômage, qui n'attend plus rien du «changement» marketé en 2012 par le candidat Hollande. Loin de la surenchère médiatique sur le burkini, son discours libéral sur la société et l'économie séduit une partie de la jeunesse. Celle qui rêve de passer de la cage d'escalier à la Lamborghini.

La stratégie de l'homme «en marche» est simple. Il sait qu'il agace à gauche. Mais il sait aussi qu'elle a perdu les quartiers populaires. Macron ne parle pas de République, de valeurs, de Marianne, d'intégration. Il ne fait pas du Valls. Au diable les fourre-tout abstraits, l'ancien banquier de chez Rothschild vise juste. La guerre est économique et les poches de pauvreté abritent une réserve citoyenne prête à aller au charbon. Des soldats anarcho-libéraux. Ça tombe bien ! L'homme la joue anti-système et propose aux débrouillards un plan carré pour faire des ronds. Le chantre de la réussite pour tous marque des points en banlieue car il prend la jeunesse telle qu'elle est : brouillonne parfois mais énergique surtout. Le joueur est habile. Dans un entretien accordé au Bondy Blog, il mise sur «une génération de stars dans l'entrepreneuriat, dans l'économie». Emmanuel Macron poursuit : «Il faut qu'il y ait des jeunes qui veulent réussir et devenir milliardaires.» Il se veut aux antipodes de l'image d'une gauche paternaliste qui distribuerait allocations et contrats aidés. «Les jeunes dans les quartiers ne veulent pas de subventions, ils ne font pas l'aumône.» Si la fable est belle, la réalité l'est beaucoup moins.

Prenons le cas d'Uber. Son système pyramidal offre des revenus à toute personne disposant d'une voiture. Une aubaine pour de nombreux jeunes peu qualifiés ou discriminés. A l'arrivée pour beaucoup de chauffeurs, l'expérience se solde par une orientation subie. Loin de l'intégration économique et sociale espérée, ils ne peuvent pas constituer un dossier de location assez solide pour un logement, ni obtenir un crédit à la banque. De la chair à canon précaire. Ne soyons pas dupes. Macron piochera, parmi eux, une ou deux «stars» pour faire rêver le jeune troupeau. Cynique, l'ex-conseiller du Président glorifie l'individualisme et tait le purgatoire. Sa façon de tuer toute conscience collective, sociale ou politique ? Faute d'un projet de société qu'il lui reste à bâtir, la masse laborieuse sera maintenue à distance. Loin des fastes de la fast life tant promise, les Enfers en seront la destination finale. Combien de «stars» n'atteindront jamais l'Elysée monsieur Macron ?