L'étau se resserre pour Manuel Valls : ces dernières semaines, au sein du gouvernement, plusieurs personnalités ont affiché leurs désaccords avec le Premier ministre. Le tout à visage découvert. La minifronde a débuté en fin d'été autour de la polémique sans fin sur le burkini. Dans la foulée de Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de la Santé Marisol Touraine, s'est elle aussi opposée, au nom des principes, aux arrêtés antiburkini. Et donc à la position de Manuel Valls. Quelques jours plus tard, c'est Ségolène Royal qui a pris le relais. Au micro de Thalassa, la ministre de l'Environnement a de nouveau pris ses distances avec Manuel Valls sur le dossier des rejets de boues rouges au large de Cassis (Bouches-du-Rhône). «Il est Premier ministre, il a décidé le contraire de ce que dit sa ministre de l'Environnement, donc voilà. Dont acte», a-t-elle lancé.
La dernière lame est arrivée mercredi, à nouveau de la part de Najat Vallaud-Belkacem. Dans un entretien à l'Obs, la ministre de l'Education, qui se verrait bien directrice de campagne d'un Hollande de nouveau candidat (et qui n'exclut rien s'il renonce), a déclaré : «Manuel Valls a son identité politique et moi, j'ai la mienne. Pour lui, l'essor de l'islam radical est le combat central. Pour moi, la société française est d'abord minée par le repli identitaire, le ressentiment à l'égard des musulmans.» Le hasard n'existe pas : les ministres ont ouvert le chemin à François Hollande avant son discours de jeudi, dans lequel celui-ci a notamment défendu une vision moins restrictive de la laïcité et la nécessité pour la gauche de se rassembler. Un député proche du président confie : «Valls clive beaucoup à gauche, surtout sur les sujets liés à l'identité et l'islam. Et cet été, il a occupé tout l'espace, c'était un peu trop. Hollande a laissé d'autres voix s'élever au sein du gouvernement pour le contrer et préparer sa rentrée. Et ça a marché.» Comme des poissons-pilotes. Et ces «autres voix» ressemblent à celle du chef de l'Etat : ses mots de jeudi sur la laïcité et l'islam l'attestent (lire page 3). Un visiteur du soir de l'Elysée commente à sa manière les différences entre le chef de l'Etat et son Premier ministre. Selon lui, il «manque une jambe» à Manuel Valls. «Il a été l'un des premiers à lever la tête à gauche pour combattre avec force l'antisémitisme, Dieudonné et l'islam radical. Il a été très courageux et c'est une force. Mais il lui manque l'autre jambe. La gauche ne peut pas seulement taper. Elle doit aussi faire preuve de pédagogie et tendre la main», dit-il en appelant Hollande à s'appuyer davantage sur la jeune garde du gouvernement, «les Najat Vallaud-Belkacem, Matthias Fekl et Axelle Lemaire».
Pour autant, les proches du Premier ministre ne baissent pas les bras. Un député qui a son rond de serviette à Matignon prévient qu'il ne fera pas «campagne pour Hollande» et pousse Valls à «rester lui-même» : «Il doit continuer à s'exprimer en homme libre pour peser dans l'opinion publique. La loyauté ça suffit !» Il mise (encore) sur un retrait du Président permettant à son champion de rafler la mise à la primaire. Pour le moment, il est cerné. Par Hollande et par Macron.