Qui veut vraiment gagner à gauche ? A écouter les déclarations de ce week-end à La Rochelle ou à la Fête de l'Humanité, on est en droit de poser la question. Logiquement, les candidats de la gauche du PS devraient s'unir pour présenter une alternative solide à la ligne de la direction. Mais ils ne le font pas. Logiquement, communistes et écologistes devraient rejoindre la primaire socialiste pour tenter de faire prévaloir leurs idées et d'unir cette partie de la gauche. Mais ils ne le font pas. Logiquement, Emmanuel Macron, devrait jouer le jeu de la primaire pour avoir une chance de passer le premier tour. Mais il ne le fait pas. Logiquement, devant le danger libéral représenté par les candidats de droite, les militants du Parti de gauche devraient étudier un mécanisme d'union pour faire barrage à la droite. Mais ils ne le font pas. On dira que chacun entend promouvoir son projet, sa conception du monde, ce qui est légitime. Malheureusement, il est une autre hypothèse, beaucoup plus vraisemblable : aucun de ces candidats ne croit que la gauche puisse l'emporter en mai. Dès lors, à quoi bon chercher des compromis, des procédures qui renforceraient les chances de leur camp, puisque de toute manière, l'affaire est pliée ? On doit craindre qu'au fond d'eux-mêmes, ces protagonistes de l'élection songent surtout à l'après-élection, quand une déroute générale permettra de rebattre les cartes, de renverser la table au sein de la gauche, d'éliminer une fois pour toutes le courant qu'ils vouent aux gémonies. Ainsi, sous une apparence candide - défendre un projet alternatif -, on sent affleurer un plan moins reluisant : mettre la défaite à profit pour jouer sa carte personnelle ou celle de son courant, sauter 2017 pour préparer 2022. Or une élection, même mal engagée comme celle-ci, n'est jamais totalement jouée d'avance. S'ils ne présagent rien de bon, les sondages d'aujourd'hui ne sont pas forcément ceux de demain. Si, par exemple, l'électorat de gauche, toujours présent quoique désorienté, se dit que la victoire d'une opposition décidée à la rupture sur tous les fronts est finalement trop dangereuse et qu'une gauche imparfaite vaut mieux qu'une droite parfaitement réactionnaire, faut-il se résoudre dès aujourd'hui à la défaite ? Le meilleur moyen de perdre une bataille, c'est de la déclarer perdue d'avance. Et quelle campagne va-t-on mener si l'on abandonne tout espoir, sinon celle qui consiste à détruire son voisin en vue de l'après-élection, plutôt que de combattre l'adversaire commun ? Quand on s'est prévalu de l'intérêt des salariés pour combattre la loi El Khomri ou bien des grands principes d'égalité pour lutter contre le projet de déchéance de la nationalité, peut-on décemment provoquer un an plus tard l'élection de ceux qui prévoient d'aller dix fois plus loin dans la même direction ? Drôle de manière de défendre les valeurs de la gauche… En temps de guerre, on réprime le défaitisme. En temps de paix, il faut le dénoncer.
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