La mise en examen de Nicolas Sarkozy et son renvoi devant le tribunal correctionnel, demandés par le parquet, ne doivent pas parasiter la campagne électorale. La plupart des candidats à la primaire de la droite sont, en principe, à peu près d'accord sur ce point. Les sarkozystes assurent que leur mentor serait victime d'une «grossière manœuvre politique» qui débouchera sur un non-lieu, comme d'autres «affaires» ces dernières années. Les autres candidats à la primaire conviennent que le principe de la présomption d'innocence doit bénéficier à leur concurrent.
Chacun à leur manière, François Fillon et Jean-François Copé ont été les seuls à faire entendre des réserves. Le premier en s'étonnant publiquement qu'on puisse si facilement s'accommoder d'une telle situation. «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?» s'est-il interrogé le 28 août à Sablé-sur-Sarthe. Le second répète partout qu'il n'aurait, pour sa part, jamais envisagé de se présenter s'il avait été mis en examen. Question «d'éthique personnelle», a-t-il ajouté lundi matin sur RMC.
Politique du départ et «gros problème»
Le maire de Meaux est allé un peu plus loin. Évoquant l'éventuelle élection à la présidence de la République d'un justiciable mis en examen, il a estimé que cela «poserait un gros problème». Un chef de l'Etat poursuivi par la justice serait en effet bien mal placé pour faire respecter la «jurisprudence» inaugurée jadis par Edouard Balladur : elle consiste à exiger la démission de tout ministre mis en examen.
Premier ministre entre 1993 et 1995, Balladur avait systématiquement exigé le départ de ses ministres poursuivis : d'abord Alain Carignon, puis Gérard Longuet et enfin Michel Roussin. En 1998, Lionel Jospin avait fait de même avec Dominique Strauss-Kahn, mis en cause dans l'affaire de la MNEF. Et Jean-Pierre Raffarin avait lui aussi mis en œuvre cette politique, improprement baptisée «jurisprudence», avec Renaud Donnedieu de Vabres et Pierre Bédier. Pour deux de ces ministres, Longuet et DSK, l'affaire se soldera par des non-lieux ou relaxe.
Pas de rupture en 2007
Tout juste élu président de la République, en 2007, Nicolas Sarkozy n'a pas vraiment rompu avec cette pratique. Certes, il ne s'est pas interdit, en 2007, de nommer dans le premier gouvernement Fillon le mis en examen André Santini, au poste de secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique. A ce stade de la procédure, le «présumé innocent» était encore susceptible d'échapper au procès. «J'attends simplement un non-lieu, et autrement je prendrai les décisions qui s'imposent» expliquait alors le maire d'Issy-les-Moulineaux.
Mais l’Elysée avait alors précisé que Santini devrait naturellement quitter le gouvernement s’il devait être renvoyé en correctionnelle… Exactement ce qui risque d’arriver prochainement à Nicolas Sarkozy, si les juges d’instructions confirment les réquisitions du parquet. Santini, lui, a été exfiltré du gouvernement Fillon dès juin 2009. Deux ans plus tard, il sera renvoyé devant le tribunal correctionnel, avec Charles Pasqua, dans une affaire de détournement de fonds publics. Lourdement condamné en première instance, il sera relaxé en appel. Décision contre laquelle le parquet s’est pourvu en cassation.