Depuis la tentative d'attentat aux bonbonnes de gaz à Paris – déjouée dans la nuit du 3 au 4 septembre – elles sont présentées comme «le premier commando de femmes jihadistes». Ornella.G, Inès.M, Sarah.H et Amel.S, âgées de 29, 19, 23, et 39 ans, sont actuellement entre les mains de la justice antiterroriste. Tandis que la première a été mise en examen pour «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste criminelle», et «tentative d'assassinats en bande organisée», puis incarcérée, les trois autres suspectes, interpellées jeudi soir à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), ont été présentées aux juges antiterroristes ce lundi.
D'après les premiers éléments de l'enquête, ces dernières auraient envisagé d'attaquer des gares dans l'Essonne et à Paris, de s'en prendre à des policiers, de se procurer des ceintures explosives ou de lancer des voitures contre des bâtiments. Selon le procureur de Paris, François Molins, les suspectes auraient été «téléguidées» par plusieurs jihadistes présents en zone irako-syrienne. Voici, à ce stade des investigations, leur profil, ainsi que leur rôle supposé.
Ornella G., 29 ans
La logisticienne
Elle est la première à avoir été interpellée dans cette affaire, le mardi 6 septembre, sur une aire d’autoroute dans le Vaucluse. Au moment de son arrestation, elle se trouve avec son compagnon – relâché à l’issue de sa garde à vue – ainsi que leurs trois enfants. D’après les premiers éléments de l’enquête, cette femme convertie et considérée comme radicalisée, vivant près de Montargis (Loiret), aurait assuré un rôle de logisticienne. Elle est soupçonnée d’avoir loué un 4x4 pour y déposer les bonbonnes de gaz avant qu’elles ne soient transvasées dans la Peugeot 607. Ornella G. aurait ensuite tenté, en compagnie d’Inès.M, d’embraser la voiture, garée rue de la Bûcherie à Paris. Après un premier essai infructueux, les jeunes femmes ont fui à la vue d’un homme qu’elles ont pris pour un policier en civil. Il s’agissait en fait d’un riverain inquiet.
Durant sa garde à vue, Ornella.G s'est montrée plutôt loquace et a livré plusieurs informations importantes sur les préparatifs de l'opération. Selon le Parisien, qui cite une source proche du dossier : «Elle a d'emblée expliqué être entrée en contact sur Internet et via Telegram, il y a environ trois mois, avec un homme se faisant appeler Abou Omar. Elle a passé des heures à discuter avec lui avant de, semble-t-il, basculer.» Ornella.G se serait mariée religieusement – au téléphone – avec ce mystérieux interlocuteur. Au moment de son arrestation, elle était assignée à résidence et faisait l'objet d'une fiche S, après avoir tenté de se rendre en Syrie.
Inès M., 19 ans
La meneuse
C’est la benjamine de l’équipe mais elle est soupçonnée d’être la meneuse. Très vite identifiée par les enquêteurs comme la fille du propriétaire de la Peugeot 607 contenant les bonbonnes de gaz, elle est originaire d’un quartier pavillonnaire de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis). Son père, chauffeur de bus, était connu des services de renseignement pour un ancien dossier de prosélytisme. Inès.M a fait l’objet d’une véritable traque jusqu’à son arrestation, jeudi soir, à Boussy-Saint-Antoine (Essonne). Elle est actuellement impliquée dans le volet de l’affaire concernant les bonbonnes de gaz mais aussi pour avoir blessé au couteau un policier lors de son interpellation.
Par ailleurs, son nom «apparaît dans un dossier du parquet fédéral» belge, spécialisé dans les affaires de terrorisme, selon la télévision belge RTBF. La chaîne souligne qu'Inès.M entretenait des contacts avec des Belges radicalisés de la région de Charleroi (Sud) et qu'elle aurait rempli un rôle de recruteuse et de facilitatrice pour les départs en Syrie. Les enquêteurs ont trouvé dans le sac à main de la jeune femme, fichée S pour des velléités de départ en Syrie, une lettre d'allégeance à l'Etat Islamique (EI). «Je vous attaque dans vos terres afin de vous terroriser», écrit-elle. D'après les premières investigations, elle aurait souhaité venger la mort d'Abou Mohamed al-Adnani, l'un des porte-parole de Daech (l'Etat islamique), considéré comme le principal coordinateur des attentats en Europe.
Amel S., 39 ans
La logeuse
Les enquêteurs ont remonté sa piste dans le sillage d'Inès.M. C'est à son domicile, à Boussy-Saint Antoine, que les trois femmes ont été arrêtées jeudi soir. Lors de la perquisition, les policiers ont trouvé au domicile d'Amel S. sept bouteilles en verre vide, «avec, à proximité, ce qui pourrait s'apparenter à des mèches artisanales en papier», et dans son véhicule «deux jerricans de cinq litres avec des résidus de carburant», selon François Molins. Sa fille de 15 ans, qui avait également été placée en garde à vue, a été relâchée.
Sarah H., 23 ans
La connexion
Entièrement voilée, elle a blessé un agent de la DGSI en lui assénant un coup de couteau lors de son interpellation avec ses deux autres acolytes. Son profil est particulièrement intrigant. En effet, le nom de la jeune femme apparaît dans plusieurs des dossiers terroristes de ces derniers mois. Les investigations ont révélé qu'elle était la «promise» de Larossi Abballa, l'assassin du couple de policiers, en juin, à Magnanville.
Ce dernier ayant été tué dans l’assaut du Raid, Sarah H aurait alors eu l’intention d’épouser Adel Kermiche, 19 ans, auteur de l’attentat de Saint-Etienne-du Rouvray perpétré en juillet, et lui aussi tué par la police. Sarah H aurait alors porté son dévolu sur Mohamed Lamine A. – également présenté à la justice dans le cadre de l’affaire – dont le frère est incarcéré pour ses liens avec Aballa. D’après les enquêteurs, la jeune femme, qui vivait dans le Var, n’a, semble-t-il, jamais rencontré ses trois prétendants, qui lui ont été proposés par Internet. Les investigations devront déterminer si Sarah H. était également en compagnie d’Ornella G. et Inès M. lorsqu’elles ont garé la voiture avec les bonbonnes de gaz près de Notre-Dame.