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Libération
A la barre

Les Cahuzac sombrent dans le Clochemerle fiscal

publié le 13 septembre 2016 à 20h31

«L'un dit vrai, l'autre faux. Voilà.» Le président du tribunal correctionnel a clôturé mardi les débats du procès des bientôt ex-époux Cahuzac sur ces mots, avant le réquisitoire du parquet, mercredi, suivi des plaidoiries en défense. Le procès s'achève sur un sommet de mesquinerie, caricature des combines médicalo-fiscales de Jérôme et Patricia Cahuzac puis de leurs chamailleries à la barre, se renvoyant mutuellement la responsabilité du déshonneur. Il est question d'un troisième compte occulte, non plus planqué dans des paradis fiscaux, mais logé dans de vieilles et bonnes banques françaises, la Poste et la BNP, au nom de la mère de Jérôme Cahuzac, octogénaire. Encore une façon de ne pas déclarer l'argent des «patients» capillaires des époux. Entre 2003 et 2010, ce compte au nom de Thérèse Cahuzac a encaissé 240 000 euros. Dont 150 000 ont été décaissés pour financer les vacances familiales, chaque été à l'hôtel Hermitage de La Baule. Mais pourquoi diable ne pas déclarer les fonds en les imputant à sa mère ?Jérôme : «On s'habitue, l'exceptionnel devient habituel.» Patricia est solidaire sur ce point : «Il y avait une fraude ambiante chez les médecins, du moins les libéraux non soumis au régime de la sécurité sociale.» Pour le reste, tout diverge. Madame pointe les «goûts de luxe» de Monsieur, quand elle se serait contentée d'une «maisonnette sur Belle-Ile» ou d'un «poulet rôti à la campagne». Jérôme concède qu'il aurait dû «évidemment restreindre leur train de vie».

Entrons dans la logistique bancaire. Le compte de Thérèse, la mère, est alimenté par des chèques français de patients hexagonaux opérés à Paris. Libellés à l'ordre du Dr Cahuzac, de Mme Cahuzac ou à blanc, ouvrant dès lors le champ des possibles affectations. Patricia : «Je dépose les chèques sur le bureau de mon mari. Ensuite, c'est lui qui dispatche.» Jérôme corrige aussitôt : «Pas mon bureau, mais notre bureau. Puis on répartit : je décide pour mes chèques, elle décide pour les siens.» Qui les remet ensuite en mains plus ou moins propres à la mère ou belle-mère ? Cela ne peut être que son fils, assure la belle-fille. «L'un ou l'autre», rétorque-t-il. Le comble est atteint à l'évocation d'une ultime remise de chèque à la vieille dame, en juillet 2010 (qu'elle encaissera en novembre). La date est importante : pour cause de prescription pénale à partir de la découverte du pot aux roses, celui des deux époux qui l'a remis pourra être poursuivi, l'autre pas.