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Libération
A la barre

Quand les époux Cahuzac sombrent dans le Clochemerle fiscal

L'affaire Cahuzacdossier
Au dernier jour des débats, ils ont rivalisé de mesquinerie, se renvoyant la responsabilité d'un troisième compte occulte alimenté par leurs «patients capillaires».
Patricia Cahuzac, au palais de justice de Paris, le 5 septembre 2016, date d'ouverture de son procès et celui de son ex-époux. (Photo Laurent Troude pour «Libération»)
publié le 13 septembre 2016 à 18h18

«L'un dit vrai, l'autre faux. Voila.» Le président du tribunal correctionnel a clôturé mardi les débats du procès des bientôt ex-époux Cahuzac sur ces mots, avant le réquisitoire du parquet, mercredi, suivi des plaidoiries en défense. Le procès s'achève sur un sommet de mesquinerie, caricature des combines médicalo-fiscales de Jérôme et Patricia puis de leurs chamailleries à la barre, où ils se sont se renvoyés la responsabilité du déshonneur.

Il est question d'un troisième compte occulte, non plus planqué dans des paradis fiscaux, mais logé dans de vieilles et bonnes banques françaises, La Poste et la BNP, au nom de la mère de Jérôme Cahuzac, octogénaire. Encore une façon de ne pas déclarer l'argent des «patients» capillaires - terme employé par Patricia, quand Jérôme n'hésite pas à parler de «clients». Entre 2003 et 2010, ce compte au nom de Thérèse Cahuzac, la maman et belle-mère, a encaissé 240 000 euros. Dont 150 000 ont été décaissés pour financer les vacances familiale, chaque été à l'hôtel Hermitage de La Baule. Monsieur campe le décor. Battu aux législatives de 2002, «privé d'indemnités parlementaires, mes revenus s'en ressentent forcément: je ne peux plus assumer le train de vie de ma famille.» On croit comprendre qu'il reprend alors son activité de chirurgien esthétique, car si sa femme finance leur train de vie quotidien, «c'est moi qui assure les vacances». Soit, mais pourquoi diable ne pas déclarer les fonds en les imputant à sa mère? «On s'habitue, l'exceptionnel devient habituel.»

«Fraude ambiante»

Madame est solidaire sur ce point: «Il y avait une fraude ambiante chez les médecins, du moins les libéraux non soumis au régime de la sécurité sociale.» Pour le reste, tout diverge. Elle pointe les «goûts de luxe» de monsieur, quand elle se serait contentée d'une «maisonnette sur Belle-Ile» ou d'un «poulet rôti à la campagne». Jérôme concède qu'il aurait dû «évidemment restreindre leur train de vie». Mais réfute le goût de luxe que lui impute sa future ex-épouse. La preuve, leur maison dans le Lot, son fief électoral, «pas du tout exceptionnelle». Certes agrémentée d'une piscine, mais «offerte par mes parents pour me féliciter de mon élection à l'Assemblée».

Entrons dans la logistique bancaire. Le compte de Thérèse est alimenté par des chèques français de patients hexagonaux opérés à Paris. Libellés à l'ordre du Dr Cahuzac, de Mme Cahuzac ou sans ordre, ouvrant dès lors le champ des possibles affectations. Elle: «Je dépose les chèques sur le bureau de mon mari. Ensuite, c'est lui qui dispatche.» Il corrige aussitôt: «Pas mon bureau, mais notre bureau. Puis on répartit: je décide pour mes chèques, elle décide pour les siens.» Qui les remet ensuite en mains plus ou moins propres à la mère ou belle-mère? Cela ne peut être que son fils, assure la belle-fille. «L'un ou l'autre», rétorque-t-il. Le tribunal tente la synthèse: «Une remise collective, l'un faisant le geste de donner les chèques, l'autre assistant à la remise.» C'était du temps ou Thérèse, récemment veuve, venait dîner tous les dimanches soir au domicile des encore époux Cahuzac. Pendant «un an», pas plus, nuance Patricia, sous-tendant qu'ensuite Jérôme remettait les chèques directement chez sa mère. «Bien au-delà», rétorque Jérôme.

Le comble est atteint à l'évocation d'une ultime remise de chèque à la vieille dame, en juillet 2010 (qu'elle encaissera en novembre). Date importante, pour cause de prescription pénale (trois ans en arrière), les enquêteurs ayant découvert ce pot aux roses là mi-2013. Celui des deux époux qui l'a remis pourra être poursuivi, l'autre pas. Patricia: «Je n'ai aucun souvenir de ce chèque, c'est d'une époque ou mon mari va déjeuner seul chez elle.» Jérôme: «J'assume mon dernier chèque remis en janvier, mais pas celui en juillet.» Le tribunal dispose d'un seul indice: ce chèque, libellé sans ordre par un client de madame, a été complété par elle. A lui d'en juger.