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Libération
Reportage

A Rennes, le «tendre» Macron salue «les terriens»

L'ex-ministre et leader du mouvement En Marche était aujourd'hui à Rennes au Space, rendez-vous incontournables des éleveurs français.

Saint-Jacques de la Lande. 14 septembre 2016. Parc des expositions de Rennes. Space 2016. Planète élevage. Emmanuel Macron et un éleveur en colère. Visite d'Emmanuel Macron. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
Publié le 14/09/2016 à 20h50

L'apostrophe stoppe net Emmanuel Macron dans sa déambulation. «Il y en a assez des mensonges, les éleveurs ils sont en train de crever, il y en a marre» hurle l'homme en tirant sur la longe de sa vache. Avant que les agents de sécurité ne puissent réagir, l'éleveur est au plus près de l'ex ministre. Empathique toujours, Macron tente d'apaiser sa colère.

Depuis trois heures qu'il circule dans les allées du Space, rendez-vous incontournable des éleveurs français, le leader d'En Marche a déjà à plusieurs reprises touché du doigt la souffrance des agriculteurs bretons. Car là où le matin, Jean-François Copé et Hervé Mariton, tous deux candidats à la primaire de la droite, ont déambulé dans une indifférence quasi générale, Macron aimante une population rurale aussi désabusée que désespérée. «C'est une catastrophe» lui dit les yeux dans les yeux un agriculteur ému. «On n'arrive même pas à se payer. Les femmes s'en vont. C'est des séparations, c'est pas rigolo».

Un peu plus loin, une productrice de lait l'implore des sanglots dans la voix, de venir sur son exploitation, constater la situation par lui-même : «A condition que vous fassiez quelque chose, sinon c'est tous pareil» crie-t-elle. «On est bons pour crever, crever par terre!» Emmanuel Macron calme, sourit, encourage, mais se refuse à «proposer des solutions miracle qui n'existent pas». Lui est là pour «écouter», en attendant le moment de dévoiler son «diagnostic pour la France», fin septembre.

«Frustration collective»

«On peut faire campagne sur les 35 heures, la sauvegarde de Florange, la baisse du chômage comme en 2012, mais cela ne produit que de la frustration collective, ça ne permet pas de répondre aux problématiques structurelles du pays» assume le ministre démissionnaire. «Créer du consensus autour d'une vision, ce n'est pas de la mauvaise politique.»

Dans les allées du Space, quelques-uns de ses anciens dossiers gouvernementaux lui reviennent en boomerang, comme l’autorisation donnée à l’extraction du sable dans la baie de Morlaix, ou la déréglementation de la profession de notaire. Mais la bienveillance domine. Attendu jeudi sur le salon, le ministre de l’Agriculture Stephane Le Foll pourrait recevoir accueil plus chahuté…

De Macron, il y a ceux qui «n'attendent rien», sauf le plaisir immédiat de voir s'incarner sous leurs yeux une image de papier glacée. A l'instar de ce retraité casquette vissée sur le crâne qui regrette son bulletin de vote Sarkozy en 2012 mais qui supporte la bousculade pour voir le ministre star: «J'en ai rien à foutre. Il n'y en a pas un pour sauver l'autre». Il y a aussi ceux, également nombreux, qui allée après allée gratifient Macron d'un chaleureux «bon courage». Mais la plupart ne se disent ni vraiment pour, ni totalement contre, partagé entre curiosité pour l'homme et doute sur son avenir immédiat. Un verre de cidre à la main, un exposant résume: «Il est encore un peu tendre. Il faut qu'il mature un peu. On est des terriens nous.»