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Justice

Au procès de Sisco : «Je me sens Corse, peut-être plus Corse qu’eux»

Les auditions concernant la rixe du 13 août en Corse ont débuté au tribunal de Bastia, ce jeudi.

Au tribunal de Bastia, ce jeudi. (Photo Pascal Pochard-Casabianca. AFP)
ParGuillaume Gendron
envoyé spécial à Bastia
Publié le 15/09/2016 à 19h13

Affaire Sisco, acte III, en attendant l'épilogue. Après la rixe du 13 août, qui a opposé quatre frères marocains et leur famille à une centaine de villageois en aplomb d'une petite crique du cap Corse, puis la comparution immédiate avortée du 18 août, le procès a finalement eu lieu à Bastia. Une demande de dépaysement, déposée en début de semaine par les avocats franciliens de Jamal B., l'un des frères, a été rejetée par le procureur général plus tôt dans la journée. Devant la présidente, Mes Ohayon et Elhamamouchi ont annoncé en préambule qu'ils ne feraient pas appel de cette décision, «la tête haute», faisant le pari de «l'indépendance de la justice, malgré l'esprit de foule à l'extérieur du Palais.»

Effectivement, comme le mois dernier, les soutiens des villageois (deux Siscais sont poursuivis aux côtés de trois des frères) s'étaient réunis devant les grilles du tribunal. Un peu moins nombreux mais mieux équipés, avec des tee-shirts confectionnés pour l'occasion – tête de Maure et date de la rixe en évidence. A l'inverse, l'appétit médiatique pour l'affaire n'a pas décru, entraînant une inflation de caméras et de robes noires – les deux bâtonniers de l'île se greffant à la défense de Mustapha B., seul frère incarcéré et «moteur» des événements selon le parquet, pour prouver que «les avocats insulaires sont tout à fait capables de défendre n'importe quel citoyen, quelles que soit ses origines ou ses crimes».

L'audience, censée débuter à 15 heures, a été retardée par la transhumance de la foule vers une plus grande salle d'audience que celle originellement prévue. Dans le box, Mustapha B. n'a pas été rejoint par ses frères, qui n'ont pas souhaité se présenter (l'un s'est exilé en région parisienne à cause de menaces, l'autre est retourné en Espagne où il réside). Quant à l'identité du quatrième frère, elle reste floue… La présidente Anne David s'est alors lancée dans un minutieux déroulé des faits, malgré la multiplicité des témoignages et des versions laborieuses et changeantes de part et d'autre, tentant de faire éclater les fantasmes un à un – qu'il s'agisse d'un burkini qui n'a jamais existé (même si une des femmes se baignait voilée et habillée), d'une hypothétique machette, d'un tir de harpon, de cris de guerre jihadistes professés par des hommes aux «yeux injectés de cocaïne»… Face à un public calme mais aux rires hostiles, Mustapha B. – dont la mémoire flanche fréquemment – a répété : «Je me sens Corse, peut-être plus Corse qu'eux.» L'audience a été suspendue à 18 heures pour installer un rétroprojecteur et diffuser des vidéos amateurs des événements. Huit avocats doivent encore plaider jusqu'à tard dans la soirée.