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Libération
Billet

François Hollande minoritaire par effet de système?

Le président François Hollande face à la presse, avant le sommet européen de Bratislava, le 16 septembre 2016 (Photo JOE KLAMAR. AFP)
publié le 16 septembre 2016 à 20h11

Le prochain président de la République sera-t-il nécessairement minoritaire dans le pays, comme l'a été François Hollande pendant la quasi-totalité de son quinquennat ? Dans un entretien avec Marcel Gauchet et Pierre Nora, pour la revue le Débat et publiée par le Monde, le chef de l'Etat a fait cette étrange confession : «En France, le président est minoritaire dans le pays, par la nature même du système politique.» Hollande soulève, là, une nouvelle donnée structurante de la vie politique française : du fait de la tripartisation, un président peut se retrouver très vite minoritaire dans une opinion publique, partagée en trois tiers presque équivalents (Front national, droite et gauche). Une fois installé à l'Elysée, le chef de l'Etat sait qu'il a contre lui, quasi mathématiquement, au moins 60 % des Français.

Voilà qui explique notamment pourquoi François Hollande n'a même pas eu le privilège de connaître quelques mois d'état de grâce au début de son quinquennat. Et le locataire de l'Elysée de prophétiser : «La radicalisation de l'opposition et la présence de l'extrême droite autour de 25 % créent une situation périlleuse pour le prochain président.» Mais dans le déroulé de son argumentaire, Hollande cherche une justification, assez malhonnête, à son impopularité. «En France, le président, même avec une majorité absolue à l'Assemblée nationale, est minoritaire dans le pays par la nature même du système politique et des clivages structurés par l'élection présidentielle.» Il faudrait écrire exactement l'inverse. Grâce à la Ve République, un chef de l'Etat minoritaire dans l'opinion peut aujourd'hui être majoritaire dans les institutions et donc gouverner en toute sérénité.

Si François Hollande apparaît aujourd’hui isolé sur l’échiquier politique, contesté par ses propres ex-ministres, ce n’est pas la faute au «système» mais à l’étrange gestion de son quinquennat.

Dans le même entretien le Président ose cette confession : «J'ai besoin de partenaires et d'alliés. C'est un point très important que j'avais identifié avant de venir aux responsabilités, mais qui m'est apparu avec encore plus de netteté depuis quatre ans.» Le chef de l'Etat revoit son quinquennat avec une drôle de paire de lunettes. Il n'a jamais manqué d'alliés politiques, du moins au début de son mandat. Il s'en est séparé presque méthodiquement. C'est très différent. Il a fait exploser le parti EE-LV. Il n'a rien fait pour que le mouvement des frondeurs ne prospère pas. Et il a indirectement redonné une vigueur à la gauche de la gauche que l'on croyait marginalisée. Pire, avec la première version de sa loi travail, Hollande a réussi à braquer la CFDT, son allié réformiste, avant de la rattraper par le col. Si Hollande est minoritaire aujourd'hui, ce n'est pas à cause de la Ve République, c'est tout simplement parce qu'il n'a pas su (ou voulu) considérer ses alliés.