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Libération
Interview

PS «Réoccuper le terrain, quitte à se faire engueuler»

Chargées au PS de contrer le discours du FN, Elsa Di Méo et Sarah Proust s’affichent lucides et volontaristes.
publié le 16 septembre 2016 à 19h51

Secrétaires nationales du Parti socialiste, Sarah Proust et Elsa Di Méo (opposante locale de David Rachline à Fréjus) sont en charge de la riposte anti-FN au sein du PS.

Le FN est-il chez lui à Fréjus, où il organise ce week-end son université d’été ?
Elsa Di Méo :

Le programme immobilier de David Rachline, ses absences et son autoritarisme nourrissent une contestation de la part d’une partie de la population. Mais je ne m’attends pas à de grands effets électoraux.

A Fréjus, le vote FN est un vote d’adhésion. On le trouve notamment dans les cités dortoirs, où réside une classe moyenne qui travaille hors de la commune. Celle-ci ne vit pas la ville au quotidien, mais redoute qu’elle ne «devienne Marseille», ou Vintimille.

David Rachline maintient le contact avec cet électorat en organisant régulièrement des réunions dans la ville. Ce qui me surprend le plus, c’est à quel point il s’est glissé dans les pantoufles de la majorité précédente, loin des élans antisystème tenus pendant la campagne.

Qu’est-ce qui n’a pas marché dans le discours anti-FN «traditionnel» ?

Elsa Di Méo : Au PS, on avait un peu lâché l'affaire après l'échec des premières mairies FN, au milieu des années 90, et la scission de 1998 [entre Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen, ndlr]. L'idée générale était que le FN s'était suicidé, que la disparition de l'appareil ferait disparaître les idées. C'était manifestement une erreur.

Sarah Proust :

On a fait la même erreur en 2011, lorsque Marine Le Pen a succédé à son père, en ne lisant l’événement que comme un conflit interne, l’histoire d’un héritage. C’était une vision assez condescendante des choses, comme si nous seuls étions dans la grande Histoire, et l’extrême droite dans l’anecdote. 2011 était en réalité la revanche du mégrétisme et de ses ambitions rénovatrices.

Au niveau du vocabulaire également, on a eu tendance à être sur des mots-valises : les «valeurs», le «vivre-ensemble»… On sent bien que ces concepts ne marchent plus, que les gens décrochent quand ils les entendent. Il ne faut plus les manier sans leur donner un contenu.

Quelles sont les bonnes pratiques ?

Sarah Proust : Il faut redonner confiance à des militants qui sont parfois désarçonnés par l'émergence du Front national dans leur territoire. Installer un système de veille sur ce que dit et fait le FN local ; réapprendre à occuper le terrain, tenir des permanences régulières, quitte à s'y faire engueuler ; reprendre contact avec les «associations. Par ailleurs, nous allons veiller à être beaucoup plus réactifs sur les réseaux sociaux.

Elsa Di Méo : Dans les prochains mois, nous voulons démontrer à quel point la «France apaisée» version FN est une illusion. Les sondages le démontrent : une majorité de Français associent Marine Le Pen à une image brutale, au risque du chaos.

Nous voulons également démonter son discours vers la «France des oubliés» et montrer que les liens ne sont pas rompus avec le «vieux» Front national : des frontistes coupables de dérapages racistes seront investis pour les législatives, le FN sera financé en partie par le microparti de Jean-Marie Le Pen, et la galaxie de «prestataires» liés à l’extrême droite radicale est toujours bien présente.