Malgré son omniprésence dans les affaires terroristes récentes, Rachid Kassim était encore un inconnu il y a six mois. Originaire de Roanne, l'homme de 29 ans, qui a grandi avec sa mère dans le quartier de Bourgogne, près du centre-ville, est resté longtemps hors des radars de la justice. Un parcours sans histoire. L'un de ses camarades au lycée Albert-Thomas décrivait ainsi le 13 septembre, au micro de France Bleu, «un mec comme les autres, plutôt plus intelligent que nous». Et d'ajouter : «Il a réussi son Bafa à l'époque où nous, on glandait un peu dans le quartier. On l'admirait un peu aussi parce qu'il faisait du rap. A ce moment-là, on ne se préoccupait pas trop du contenu de ses chansons.»
Treillis militaire. Rachid Kassim a en effet enregistré en 2011 un premier album de rap dont certains titres ont aujourd'hui une résonance particulière. L'opus intitulé Première Arme, réalisé sous le pseudonyme de «l'Oranais» - au succès confidentiel - laisse transparaître les prémices de sa radicalisation. Dans Je suis terroriste, le rappeur chante : «Je voulais être médecin, dorénavant j'aspire à devenir martyr.» Ailleurs, il lance : «Oui pour la décapitation, je plaide coupable.» Des paroles que l'on rapproche forcément de cette vidéo de propagande de l'EI, postée en juillet, une semaine après l'attentat de Nice qui a fait 86 morts. Vidéo où l'on voit Rachid Kassim, forte corpulence, visage découvert, vêtu d'un treillis militaire, saluer l'action de Mohamed Lahouaiej Bouhlel avant de décapiter un prisonnier de Daech présenté comme un espion. «Telle est la rétribution du peuple criminel qu'est le peuple français», déclame-t-il face caméra.
Employé au centre social du Moulin-à-vent à Roanne, Kassim semble s'être radicalisé à partir de 2011, après un voyage en Algérie, pays d'origine de ses parents. A son retour, son comportement interpelle les fidèles de la mosquée An-Nour qu'il fréquente. On lui reproche de parler du jihad, de fréquenter les milieux salafistes et de vouloir enrôler les jeunes du quartier. «Si tu continues, tu vas être mis dehors», le prévient alors Abdennour Bentoumi, responsable de la mosquée. En vain. Le discours de Kassim se fait plus dur, il se laisse pousser la barbe, demande une salle de prière sur son lieu de travail et refuse de serrer la main aux femmes.
Egypte. La suite reste encore floue. Rachid Kassim est soupçonné d'avoir quitté la France pour l'Egypte, avec sa femme et sa fille. Il n'attirera véritablement l'attention des services de renseignement qu'en 2015. Cette fois, c'est certain : il est bien parti de Roanne. Direction la zone irako-syrienne. Il aurait effectué le voyage en Renault Scénic, en compagnie de son épouse et de leur enfant. Le signalement de leur disparition provoquera l'ouverture d'une enquête préliminaire. Aujourd'hui, Rachid Kassim est poursuivi pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.