Il y a trente ans, le Front national - et une bonne dose de proportionnelle - envoyait un peloton de représentants à l’Assemblée nationale. Depuis, instrumentalisé, vilipendé, «diabolisé» et «dédiabolisé», divisé et recomposé, le FN a connu des hauts et des bas. Mais il est toujours là, à pousser à la haine de l’autre, à prospérer sur les échecs des politiques. Il semble même plus fort que jamais. A tel point que par un mélange de facilité intellectuelle et de réalisme, on ponctue chaque événement local, national, international, interstellaire par un «ça fait le jeu du FN». Parler du FN fait le jeu du FN. Ne pas parler du FN fait le jeu du FN. La capacité au grand écart idéologique du FN version fille à papa complexifie la réponse…
Les récents attentats et l’exigence de sécurité et d’autorité qui en découle sont un terreau favorable. Ce n’est pas une raison pour que les adversaires du Front lui facilitent la tâche. Depuis trente ans qu’il pèse sur les mots du débat, au point qu’on convient qu’il a remporté la bataille des idées à défaut d’avoir réussi à s’imposer dans les urnes, on a appris deux choses. Face au FN, ne fonctionnent ni la condamnation morale ni la reddition idéologique, pour reprendre les mots de l’historien Nicolas Lebourg. La gauche doit donc se garder de tout sentiment de supériorité. Quant à la droite, en plagiant l’extrême droite par calcul et cynisme, elle crédibilise sans cesse les solutions frontistes. Attention à une triangulation qui se retournerait contre ses créateurs… Réparer ce débat politique brisé par les vitupérations, les mensonges et les petites tactiques de bas étage ne suffira pas à faire baisser durablement la force du FN. Il faudra que la droite et la gauche présentent des contre-projets réalistes et assument enfin les nouveaux visages de la France. Il reste sept mois pour effacer trente ans d’errance.