C'est une scène troublante que celle entraperçue, samedi soir, au Gaumont Opéra à Paris : il y avait, assises côte à côte, Irène Frachon et l'actrice danoise Sidse Babett Knudsen (Borgen). Laquelle joue magnifiquement le rôle de la première dans le film d'Emmanuelle Bercot la Fille de Brest, qui sortira en salles fin novembre. Elles sont là, toutes les deux, hésitantes et si chaleureuses entre elles. L'actrice disant de sa voisine : «C'est une personne qui m'inspire. Je ne suis pas comme ça, moi… Quelle créature peut être remplie à ce point de son combat, d'une mission ?»
Irène Frachon écoute. Elle a voulu qu’une victime soit avec elle lors de cette projection. Terre à terre, sans faux-fuyant, elle est tout sauf une héroïne. Médecin jusqu’au bout des ongles, son histoire n’a rien de romanesque. Le film raconte avec justesse sa lutte contre le laboratoire Servier et le Mediator, ce coupe-faim largement prescrit qui se révèle gravement dangereux. Jeune pneumologue au CHU de Brest, la Bretonne se bat pour imposer cette évidence clinique qui lui a sauté aux yeux.
En juin 2010, son livre Mediator 150 mg : combien de morts ? (1) aboutira au retrait du médicament. Le film a été tourné dans les lieux mêmes où le drame s'est déroulé, Irène Frachon participant au scénario. L'argent qu'elle a touché lui sert à poursuivre la lutte pour l'indemnisation. «Mon objectif absolu, c'est le combat pour les victimes», nous disait-elle en mai. Et elle a raison, tant les choses traînent sur ce volet. Qui plus est, il n'y a pas toujours de date sur le procès contre le laboratoire. La lutte contre les conflits d'intérêts dans le milieu médical n'est toujours pas gagnée.
(1) Ed. Dialogues, 15,90 €.