Emmanuel Macron commence à mesurer ce qu’il en coûte de s’aliéner l’exécutif et l’appareil socialiste. Depuis que le leader d’En marche a confirmé sa participation au colloque des réformistes européens organisé à Lyon les 23 et 24 septembre, les désistements se multiplient au sein des organisateurs comme des invités de marque.
Terra Nova, think tank progressiste proche du PS, a, mi-septembre, le premier jeté l'éponge. «Nous ne renonçons pas de gaîté de cœur», précise son directeur général Thierry Pech. «Nous avons été parmi les premiers à mobiliser nos partenaires européens pour rendre possible ce colloque de haut niveau. Mais à y participer, nous risquions de mettre à mal une crédibilité que nous avons mis dix ans à construire.» Cette décision prise à l'unanimité du conseil d'administration de Terra Nova couvait depuis le meeting de Macron à la Mutualité le 12 juillet. Ce jour-là, emporté par son enthousiasme, un des plus fervents soutiens du ministre, le sénateur maire PS de Lyon Gérard Collomb, avait donné rendez-vous aux macronistes dans sa ville pour participer au rendez-vous des sociaux-libéraux européens organisé par Terra Nova, l'institut Montaigne et les Gracques. De quoi transformer un rendez-vous d'intellectuels en un tremplin de campagne politique pour Macron… Et contraindre le directeur général de Terra Nova à faire savoir discrètement que s'il s'agissait de ça, il n'en serait pas.
Témoin de mariage
Quand, mi-août, Paris-Match lui attribue un rôle clé dans l'élaboration du programme de Macron candidat putatif à la présidentielle, l'agacement de Thierry Pech se change en colère. La démission de Macron du gouvernement finit de le convaincre du caractère politique que prendra le colloque avec Macron. A s'afficher au côté du leader d'En marche, Terra Nova risque d'autant plus gros que le think tank compte parmi ses administrateurs Henry Hermand, riche entrepreneur proche de la «deuxième gauche» et surtout mentor d'Emmanuel Macron, dont il fut le témoin de mariage…
Une série de défections vont suivre pour les organisateurs du rendez-vous des réformistes européens. En début de semaine, c'était au tour du commissaire européen Pierre Moscovici d'annuler sa venue sur l'amicale pression des dirigeants du PS. Selon le Canard enchaîné du 21 septembre, le président du Modem, François Bayrou, le banquier Jean Peyrelevade, tout comme le Premier ministre italien, Matteo Renzi, ou le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, se sont aussi décommandés. Selon l'hebdomadaire, ces deux dirigeants européens auraient eux répondu à une demande de François Hollande en personne… Une information que l'Elysée «dément formellement» : «On a autre chose à faire», commente, lapidaire, l'entourage du chef de l'Etat. Le risque de voir leur présence instrumentalisée à des fins de politique intérieure aurait suffi à décourager les deux responsables italien et allemand.