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Libération
Témoignage

Nada, 32 ans, architecte à Paris «Les médias manquent de maturité sur l’islam»

publié le 22 septembre 2016 à 20h11

«J’ai grandi en Algérie. Avec ma mère, médecin, nous avons quitté le pays en 1994. Tous mes souvenirs d’enfance sont liés à l’islam, à des rassemblements joyeux et lumineux. Je me considère musulmane mais je ne prie pas et ne fais pas toujours le ramadan en entier. Je refuse qu’on me définisse par ma religion. Je suis une jeune femme active, qui aime faire la fête, et tout cela cohabite harmonieusement.

«Je constate depuis quelque temps qu’on a besoin d’être labellisée "française musulmane". Pour moi, la religion est une chose intime, alors qu’on m’impose de la revendiquer, ça me pousse dans un retranchement que je ne tolère pas. Je sens une pression de plus en plus forte de ce côté-là. En revanche, c’est de ma responsabilité de parler. On est tous ambassadeurs de ce qui nous compose.

«Depuis trois ans, le voile est un sujet redondant autour de moi. Ça fait un bail que l’islam est en France. Se concentrer sur un bout de tissu, c’est inutile. Je ne me suis pas sentie humiliée par le burkini parce que je ne me suis pas sentie concernée. J’ai eu honte en tant que Française du traitement qu’on en a fait. Les médias manquent de maturité sur l’islam. Leur rôle est de rassurer plutôt que de céder à la panique. Ils ont abandonné les Français.

«Les musulmans ne représentent pas un bloc uniforme. C’est absurde de demander à un groupe aussi diversifié d’être discret. Il y a tellement de musulmans dont vous ne percevez même pas l’appartenance. Les politiques utilisent la laïcité et le féminisme en les déformant pour servir des causes et contrôler des groupes, c’est malhonnête. Si la laïcité consiste à ne pas avoir de religion d’Etat, ça me va très bien. J’ai vécu au Texas. Là-bas, j’allais dans des écoles chrétiennes, la plupart des gens autour de moi étaient protestants et je ressentais leur pression.

«Je me suis rarement sentie discriminée en France. Ma double culture m’apporte de la richesse. Je vote et je m’intéresse à la politique. On demande aux gens de choisir un camp mais on peut être français, prier et être homo par exemple. Ce n’est pas incompatible avec l’islam.»