«Je ne suis pas pratiquante mais de culture musulmane. J'ai grandi dans un pays musulman, le Maroc, mes parents sont pratiquants, mes grands-parents sont pratiquants, toute ma famille est pratiquante. Je suis musulmane. L'islam, ce n'est pas juste les cinq piliers, prier Dieu. C'est aussi une façon de vivre ensemble. Je pense que si je n'avais pas été élevée là-dedans, je ne serais pas la même. Voir que des gens ne sont pas capables de faire la différence entre l'islam qui est le mien et l'islam qui tue, ça me blesse énormément. Et le fait que l'islamophobie soit érigée en arrêté préfectoral [l'affaire du burkini, ndlr], c'est comme si elle devenait une islamophobie d'Etat.
«Si je connais le racisme ? Non, et j’ai presque envie de dire que je trouve ça dommage. Si j’avais été voilée, j’aurais été la cible de beaucoup plus de réflexions. Si je ne le subis pas, c’est pour la simple et bonne raison que je passe pour la bonne bougnoule : celle qui boit, celle à qui on aimerait que tous les bougnoules ressemblent. Symboliquement, c’est très violent. Comme si j’étais une espèce de caution.
«J'ai envie de dire à Chevènement, qui parle de "musulmans discrets", à Nadine Morano, qui dit que "la France n'est pas terre d'islam" que l'histoire n'est pas figée. S'il doit y avoir de plus en plus de musulmans, c'est l'histoire qui suit son cours. On ne peut quand même pas mettre des quotas de musulmans. Et qu'est-ce que ça veut dire être un musulman discret ? Boire un thé à la menthe puis un verre de sauvignon ? Egorger un cochon plutôt qu'un mouton ? Il y a une autre injonction qui me met en colère : "Désolidarisez-vous de Daech." Or un musulman et un non-musulman sont exactement à la même distance de Daech.
«Quant à la France qui se revendique de plus en plus laïque, ça me fait doucement rigoler. Le dimanche, la messe est diffusée sur le service public et il y a des jours fériés pour les fêtes chrétiennes. La France brandit la laïcité quand ça l’arrange. Si je me sens française ? Oui et non. Mon idée de la France est que c’est un pays où tu peux être qui tu es, où tu ne dois de comptes à personne. La France est ma terre d’émancipation, c’est pour ça que j’y vis. Mais je ne me sens pas française dans ce que la France est en train de devenir… Pourvu que Christiane Taubira se présente !»