C'était bien tenté, mais finalement retoqué. Le procès de la dynastie Wildenstein, en ses héritiers Guy et Alec, ne sera donc pas suspendu une nouvelle fois pour vice de forme. Ainsi en a décidé lundi le tribunal correctionnel de Paris, au nom du «délai raisonnable» avant que la justice pénale ne dise le droit – voire la morale publique.
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Le casse fiscal du siècle
Cette famille de marchands de tableaux, collectionneurs de chevaux de courses et autres biens immobiliers, fait également profession de défier le fisc français en logeant la plupart de ses biens dans des sociétés offshore immatriculées sous les cocotiers. Il serait temps de juger enfin ce casse fiscal du siècle, sauf que les prévenus dénoncent des vices de forme. Parfois à raison, tant l'évasion fiscale relève de la discrétion de Bercy, se réservant le droit de redresser les contribuables récalcitrants puis de doubler leur peine en portant plainte au pénal pour fraude fiscale.
Les Wildenstein sont au cœur de ce barnum. Le fisc leur a notifié un redressement fiscal record de 550 millions d’euros – et encore, des explorateurs de la galaxie estiment qu’il pourrait en exiger le triple. Guy et Alec le contestent devant les tribunaux administratifs, et c’est leur droit le plus absolu. A ce jour, ils ne sont donc pas définitivement redressés. Dès lors, comment les poursuivre derechef devant la justice pénale pour fraude fiscale ?
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Double poursuite
Cet été, le Conseil constitutionnel avait validé le principe de double poursuite fiscale (administrative et pénale), autorisant au passage la réouverture du procès Cahuzac, mais émettant toutefois une réserve : nul ne saurait être poursuivi pour fraude fiscale s'il a été finalement blanchi par Bercy. Un bémol de bon aloi, mais aussi un boulevard pour les Wildenstein. Lundi, le tribunal correctionnel en a pris bonne note : «Le Conseil constitutionnel subordonne les poursuites pénales à une décision définitive du juge de l'impôt.»
Avant de relever, s'agissant du pataquès Wildenstein, que c'est encore loin d'être le cas. Pour autant, le tribunal correctionnel décide de poursuivre son procès pénal, car «la demande de sursis à statuer, dont le fondement est sérieux, reviendrait à repousser le procès de plusieurs années.» Au risque de réduire la justice pénale au rôle de courroie administrative de Bercy, statuant à titre «supplétif». Une insulte pour les magistrats de profession, qui entendent reprendre le leadership en matière de fraude fiscale.