La chaîne de télévision australienne Channel 7 a-t-elle bidonné un reportage sur le port du burkini en France ? Le 18 septembre, elle a diffusé un document vidéo suivant le voyage d'une jeune femme australienne, venue en France «voir par [elle]-même, voir ce qu'il se passait ici. Pourquoi cela se produisait [l'interdiction par arrêté municipal, dans certaines communes françaises, de porter le burkini sur les plages publiques, ndlr], je voulais parler aux filles qui devaient traverser cela».
Durant le reportage de 13 minutes, dont nous n'avons pu visionner que des extraits, la jeune femme, accompagnée de ses parents, se rend vêtue d'un burkini, tout comme sa mère, sur une plage de Villeneuve-Loubet, où un tel arrêté a été pris par le maire LR Lionnel Luca avant d'être retoqué par le Conseil d'Etat. Les trois Australiens sont alors pris à partie par des vacanciers, qui ont l'air de leur demander de quitter les lieux et d'appeler la police. Un homme relativement âgé est ensuite montré, face caméra, en train de dire : «Vous faites demi-tour et vous partez.» Mais est-ce que les faits se sont déroulés ainsi, ou est-ce qu'un montage malhonnête a permis à la chaîne de raconter une histoire sensationnelle – mais fausse ? Deux témoins retrouvés par Nice-Matin avalisent la deuxième option.
Une première femme raconte ainsi : «Nous étions installés sur la plage avec mes enfants, quand nous avons vu la caméra débarquer à quelques mètres de nous. Ce n'est qu'après qu'un homme et deux femmes en burkini sont arrivés. Ils ont marché quelques minutes le long de la plage, puis sont venus s'installer juste devant l'équipe télé. […] C'est d'ailleurs pour ça que tous les gens sur la plage regardent dans la direction de la caméra.» Selon elle, c'est à l'équipe de télévision que l'homme, qu'elle présente comme son oncle, a demandé de «faire demi-tour» et de partir, pas aux trois «vacanciers» australiens, car il ne souhaitait pas qu'elle filme les enfants. Un deuxième témoin, nommé Stéphane et présenté comme se trouvant un peu plus loin, sur la plage privée Corto Maltese, va dans le même sens : «L'homme et les deux femmes sont arrivés presque en courant pour s'installer. En 10 secondes, ils avaient déplié leurs serviettes et planté leur parasol. Ils se sont mis en plein milieu du couloir à jet-ski de la plage privée. Comme ils gênaient, le propriétaire de la plage est sorti leur demander de se pousser […] L'homme et les deux femmes ont continué à marcher le long de la plage en direction de la Siesta. Des fois, ils se posaient. Puis ils repartaient.» Comme s'ils attendaient des réactions de vacanciers, suggère-t-il encore.
Un extrait du document vidéo diffusé par Channel 7 le 18 septembre.
En outre, selon le journal The Australian, Ghayath Alshelh, le père de la jeune femme, nommée Zeynab Alshelh et présentée comme une étudiante en médecine de 23 ans, est le patron de l'Islamic Charity Projects Association, une organisation basée à Sydney qui, selon Marianne, «défend les thèses de l'islam radical». L'hebdomadaire français a également relevé qu'«à aucun moment, le reportage ne montr[ait] une seule image des deux femmes et des baigneurs sur le même plan».
Commentaires dans la presse australienne
Il est d'autant plus difficile de démêler toute cette histoire que, si la presse australienne a largement commenté l'affaire, les journaux reprennent en fait les deux mêmes témoignages publiés par Nice-Matin. Contactée par nos soins, la chaîne Channel 7 ne nous a pas encore répondu. Mais Rahni Sadler, la journaliste responsable de ce reportage, s'est exprimée sur le site The New Daily, affirmant qu'«au moment où la famille a posé le pied sur cette plage française, ils ont pu constater à quel point la population locale était hostile aux musulmans». La production a également nié avoir utilisé des caméras cachées, comme le laissent entendre les témoins de Nice-Matin. Le quotidien The Australian a lui choisi son camp en demandant, dans un éditorial, à la chaîne de présenter des excuses.
Fin août, des images diffusées par la presse britannique montrant une femme obligée par la police de retirer son voile, alors qu'elle était tranquillement installée sur une plage niçoise et ne portait pas de burkini, avaient aussi suscité des interrogations. Il avait alors été démontré qu'il ne s'agissait pas d'un coup monté.